Meles meles

Il y a un an et demi, Woden m’a apporté un blaireau fraichement mort après une collision avec une voiture, dans les Alpes. J’ai mis du temps à vous le montrer, car j’en ai beaucoup mis à le nettoyer. Je l’ai laissé plus d’un an dans de la terre sans y toucher (à part un rapide dépeçage), chose que j’ai regretté lorsque j’ai débuté le nettoyage. D’ailleurs n’ayant toujours ni place/jardin/tuyau d’arrosage/tamis, j’ai perdu de petits os durant le processus (carpes, tarses, phalanges et vertèbres caudales). Je ne vais pas parler des méthodes de nettoyage employées sur ce spécimen, car j’ai fait trop de choses que je déconseille ;). D’ailleurs c’est la terre qui a donné cette coloration tirant sur jaune/marron aux os.


Deux photos prises juste après sa mort. Ça m’a vraiment touchée lorsque je l’ai vu. C’était la première fois que je voyais un blaireau en chair et je lui ai trouvé une certaine majesté. (Zenit 11 + film Kodak Gold 200 périmé)

Le blaireau européen (Meles meles) est un mustélidé réparti sur une grande majorité du territoire européen. C’est une espèce assez massive, nocturne, fouisseuse et omnivore opportuniste (?) ; au pelage gris avec des bandes noires et blanches sur le dessus de la tête. C’est un animal qui a une faible espérance de vie en milieu naturel, dont la majorité des individus décède dans leurs premières années (chasse, accidents de la route, maladies, malnutrition, …).

Contrairement à la majorité des espères de l’ordre Carnivora, qui sont digitigrades (seules les phalanges touchent le sol durant la locomotion), il est plantigrade (toute la patte, incluant les métapodes, touche le sol). C’est également le cas dans cet ordre, de quelques mustélidés, les ursidés et les procyonidés (j’en oublie peut-être ?). Vous pouvez retrouver plus d’informations avec de belles illustrations sur le blog de Biomedical Ephemera.

C’est un Carnivora finalement assez méconnu en France, puisqu’il est surtout considéré comme nuisible par les chasseurs et agriculteurs. Le comportement social de cet animal n’est pas très connu, mais de ce que j’en ai lu, c’est assez passionnant, avec une organisation en clan, tout en étant un animal plutôt solitaire. Si le sujet vous intéresse, je connais ce site, qui en parle plus en détails. J’aime également la façon dont Robert Hainard parle de cette espèces (ok, et de toutes les autres aussi) dans son ouvrage Mammifères Sauvages d’Europe.


La partie recollage.


Leur formule dentaire est 3/3 I 1/1 C 3/4 P 1/2 M, d’après l’ouvrage Guide des mammifères d’Europe, d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient, de l’éditeur Delachaux et Niestlé. La formule dentaire donnée ne montre que trois prémolaires supérieures (les II, III et IV), en précisant qu’une première prémolaire est vestigiale, et parfois présente. Elles sont présentes sur les deux crânes que j’ai ici (mais certes, elles sont vraiment minuscules).


Les premières molaires inférieures ont un nombre de racines assez incroyable par rapport aux autres molaires de Carnivora que j’ai pu voir passer. Ce sont les molaires les plus imposantes au niveau inférieur, comme chez les autres Caniformes.


Ce n’est pas encore le cas sur cet individu, mais c’est une espèce chez qui la mandibule devient solidaire avec le crâne au niveau de l’articulation à l’âge adulte. C’est-à-dire que la fosse mandibulaire du crâne se referme autour du condyle de la mandibule, qui ne peut alors plus se disloquer. C’est également le cas chez les loutres.


Il s’agit d’une jeune femelle, qui avait déjà un gabarit adulte, mais dont les os ne sont pas soudés. La crête sagittale (sur l’arrière du crâne) est toute naissante, et on voit très bien qu’il s’agit des deux os pariétaux qui fusionnent ensemble. Cette crête s’accroit avec l’âge et particulièrement chez les mâles (cas typique de dimorphisme sexuel chez un grand nombre d’espèces de Carnivora).


Les os sont encore jeunes, très poreux.


La taille des étuis cornés des griffes, par rapport à celle de la troisième phalange est vraiment impressionnante.


Quelques os présentent des malformations, comme cette quinzième paire de côtes (chat et chien n’ont que 13 paires de côtes, la fouine, 14). Les extrémités articulaires sont très abimées.


Ces deux vertèbres caudales ont également un aspect très particulier, celle de gauche n’a même plus vraiment de corps vertébral, donc les vestiges compressent le foramen vertébral (orifice où passe la moelle spinale). Je ne sais pas si cela est dû à un problème durant le développement ou à un accident durant l’accouchement ou le très jeune âge de l’animal. En effet, les vertèbres de la queue se brisent très fréquemment chez les jeunes Carnivora (je pense que vous avez tous déjà vu un chat avec la queue tordue).


A gauche, on peut voir les métatarses 3 et 2 gauche ; et à droite, les mêmes de la patte arrière droite, disposés en miroir. Le 3 est brisé (il est possible qu’il y ait eu une extrémité distale et que je l’ai perdue durant le nettoyage) et des formations osseuses anarchiques sont visibles à la surface des deux métatarses. Peut-être une cassure qui s’est mal réparée ?


Une comparaison rapide avec un chat domestique (Felis catus) adulte. A gauche, on peut voir les étuis cornés (chat puis blaireau), qui sont très différents en termes de taille et courbure. A droite ce sont des humérus gauche (chat puis blaireau). Le blaireau est un animal de taille assez similaire que le chat mais plus trapu. Son humérus n’est pas plus grand que celui d’un chat, mais plus massif, avec des surfaces qui permettent l’insertion de plus de muscles, plus puissants.

Le blaireau est un animal fouisseur, qui creuse des galeries souterraines, il a donc besoin de pattes (et notamment celles antérieures) très puissantes, qui vont lui permettre de creuser. Il a de longues griffes épaisses non rétractables qui lui servent de pelle, et des membres pas très grands, mais trapus et très musclés qui lui permettent d’accomplir cette tâche sans se fatiguer.

Le chat est un prédateur, il a besoin de long membres fins pour courir facilement et rapidement (ce qui serait difficile avec un corps trapu et lourd) et de griffes courtes, acérées et très courbées pour attraper ses proies d’un coup de patte.


Une photo de groupe avec un crâne de blaireau américain (Taxidea taxus) à gauche, un crâne de blaireau européen mâle et adulte, puis celui de la jeune femelle.

Ces espèces sont deux puissants Carnivora, avec des mâchoires qui restent impressionnantes, mais le blaireau américain reste plus petit que son homologue européen. Chez celui-ci, c’est la crête sagittale qui est bien développée, tandis que chez l’américain, il s’agit de la crête occipitale.


Le mois dernier je suis tombée sur cette taxidermie en faisant les puces. Elle a des taches de rouilles sur le museau et un affreux support en mousse dure très encombrant que j’ai enlevé, mais devant la rareté de la chose, je ne pouvais pas passer à côté. En tout cas ce spécimen était plus robuste que la jeune femelle.


Les dents ont été conservées, peut-être même le crâne.


On peut voir ici les longues griffes non rétractables et les coussinets très charnus.


Leur queue est assez courte mais je ne sais pas combien de caudales le blaireau a en moyenne.

A force de vous parler de Carnivora, entre les chats, les chiens, les renards, les fouines et autres, j’ai l’impression de toujours radoter les mêmes choses et j’ai peu de nouvelles informations à vous donner. Ça me donne un peu l’impression que ces posts s’appauvrissent et que vous allez le trouver moins intéressants. Quoi qu’il en soit, les deux prochains posts ostéo seront sur des espèces très différentes. J’espère que cet article vous aura tout de même plu.