Metal ring


(Zenit-E+ film Kodak Gold 200 périmé)

Pas grand chose aujourd’hui, juste une petite anecdote à propos d’une ballade. Il y a quelques mois on a trouvé une carcasse d’oiseau avec une bague en métal (on la voit sur la photo du haut juste en dessous de la fuite de lumière). La bague a été récupérée pour pouvoir envoyer le code d’identification au laboratoire dont elle provenait, c’est-à-dire en Bologne (Italie). Quelques mois plus tard une réponse est arrivée avec les caractéristiques et une partie de l’histoire de cet oiseau. C’était donc une mouette mélanocéphale qui a vécu presque 19 ans.
J’ai trouvé la démarche vraiment intéressante et j’espère que ça aura pu les aider dans leurs recherches.

Sus scrofa

La semaine passée un ami m’a donné un crâne de sanglier complet trouvé lors d’une balade. Ça a donc été l’occasion d’en emprunter quelques autres à un proche qui a une chouette petite collection, et de vous faire un petit post sur les sangliers, et en particulier leurs dents. Voici la bête en question, un beau spécimen auquel la terre a donné une jolie coloration :

L’âge, chez les mammifères, peut se déterminer grâce aux dents. Il se définit par rapport à la présence/absence de dents déciduales (dents de lait), l’éruption des dents définitives et également en fonction de l’usure des dents définitives et de certaines déciduales. En effet les dents s’usent de façon continue et régulière tout au long de la vie l’animal (sauf pathologie). On utilise des tables couplant usures des différentes dents et classes d’âges correspondantes pour déterminer l’âge. A noter que les molaires sont toujours des dents définitives et font éruption pendant/après que les dents déciduales aient été remplacées par les suivantes.

Sur ce spécimen, toutes ses dents sont définitives, et on voit bien sur cette image que la troisième molaire supérieure n’a pas fini son éruption :

Ces informations, couplées à l’usure des prémolaires et molaires nous donne un âge estimé à un an et demi.
A partir de 18 mois les sangliers sont considérés comme adultes, car ils sont matures sexuellement et qu’ils ont atteint leur taille maximale. Il s’agit donc ici d’un sanglier adulte.

Les racines des incisives définitives ne sont pas encore tout à fait fermées :

De part leur forme, les molaires des sangliers sont bunodontes : dent molariforme dont les tubercules (pointes d’émail) sont arrondis.

Il existe deux types de dents si on se base sur leur croissance : les hypsodontes, avec une couronne (la partie supérieure qui est émaillée et qui sort de la gencive) haute, une racine courte et ouverte, et une croissance continue de la dent ; et les brachyodontes avec une couronne basse, une croissance stoppée et une racine fermée.

Le sanglier est un animal dont les dents sont brachyodontes, à l’exception des canines chez les mâles, qui sont de véritables défenses à croissance continue.

La canine supérieure définitive chez ce spécimen est imposante et sa racine est totalement ouverte, il s’agit donc d’un mâle :

La texture osseuse de certaines parties du crâne est encore assez poreuse, ce qui montre qu’il n’est pas vieux. Les os des jeunes suidés sont toujours très poreux et la structure osseuse se densifie avec l’âge, ce qui fait disparaître cette porosité :

La formule dentaire du sanglier adulte est la suivante : I 3/3 – C 1/1 – P 4/4 – M 3/3.
(Cela veut dire que sur chaque côté de la bouche, il y a 3 incisives supérieures et 3 inférieures, 1 canine supérieure et une inférieure, etc.)
Pour les juvéniles (durant les six premiers mois), la formule est un peu différente :
di 3/3 – dc 1/1 – dp 3/3 (d pour déciduale).

Notre spécimen (à gauche sur la photo) a donc une petite anomalie dentaire sur la mandibule. Il lui manque la paire de premières prémolaires inférieures. On appelle cela oligodontie, c’est-à-dire l’absence de dents sur un spécimen qui sont naturellement présentes chez l’espèce. Cela n’entraine pas de conséquence sur une paire de dents aussi petites et c’est fréquent chez les suidés (particulièrement les domestiques comme les cochons) :

Voici un autre beau spécimen, qui n’est malheureusement pas dans ma collection :

Des dents, il ne reste qu’une troisième molaire supérieure. A la vue de l’état des alvéoles, il est possible que les incisives et canines ait été en place au moment de la mort et se soient détachées durant le processus de décomposition. En ce qui concerne la plupart des prémolaires, ainsi que les molaires, il est évident qu’elles sont tombées durant le vivant de l’animal, puisque l’os a commencé à se reconstruire sur les alvéoles vides. La plupart des alvéoles se sont d’ailleurs refermées entre la canine et la dernière molaire au niveau supérieur (rond turquoise) :

Ces indices nous montrent qu’il s’agissait d’un individu sénile au moment de sa mort. Détails de l’os qui se construit à la place des dernières prémolaires et des premières molaires :

Le sanglier est un animal avec un dimorphisme sexuel assez marqué, d’une part par la différence de gabarit entre mâle et femelle, et d’autre part par les canines, plus imposantes chez le mâle, qui a de véritables défenses.

Sur les maxillaires de ce spécimen (en bas), comparés à ceux du premier individu, on voit bien la différence de diamètre sur les deux alvéoles des canines. Ce second individu est donc une femelle.

Sur la mandibule de ce troisième spécimen (à droite), comparée à celle du premier, qui est du même âge, on voit également bien la différence entre les deux : la canine inférieure est plus grande et plus épaisse chez le mâle. Sa racine est également plus grande :

Voici un quatrième spécimen, nettement plus petit et plus fragile que les deux autres :

On peut voir sur la mandibule (à droite) que ces prémolaires sont encore déciduales et que seule la première molaire est sortie de l’os :

D’après ces données on peut donc dire qu’il s’agit d’un marcassin, âgé d’entre 6 et 9 mois.
On peut voir les troisième molaires définitives encore emprisonnées dans l’os du maxillaire sur le crâne. Elles sont au stade de bourgeons :

Et pour finir voici à gauche la mandibule d’un cinquième spécimen et à droite d’un sixième dont les crânes sont manquants.

Sur l’individu de droite, toutes les dents définitives sont en place, sans anomalie et l’usure des dents me fait penser que ce sanglier est mort adulte, entre 2 et 4 ans. Ses canines sont grandes, il s’agissait donc d’un mâle.

Sur celui de gauche, on voit déjà une petite anomalie : comme sur le premier individu, les premières prémolaires sont absentes. Ensuite la majorité des prémolaires et molaires est tombée avant sa mort. A droite, entre la prémolaire 4 et la molaire 3, la reconstruction osseuse a fait dévier les dents. De cette façon on voit, par rapport à l’individu de droite, qu’il n’y aurait pas la place entre ces deux dents de mettre une molaire 1 et une molaire 2. Là encore on a un individu sénile (toutefois mort un peu moins vieux que l’autre spécimen sénile). Ce n’est pas visible sur la photo, mais les alvéoles des canines sont assez petites et me font penser qu’il s’agissait d’une femelle.

Un gros plan pour vous montrer la texture de l’os qui se reforme :

J’aurais bien aimé vous présenter des canines de femelle et un crâne de cochon pour faire une comparaison, mais je n’en ai pas sous la main pour le moment (c’est dommage parce qu’il y a beaucoup à dire !). Je tiens à préciser que tous ces os ont été récupérés dans des fosses de chasse dans le sud de la France et qu’il ne s’agit pas d’une espèce protégée dans notre pays.
J’espère que cet article vous aura plu !
Et merci Panda pour tes crânes et mandibules !

Dermestes

Je vous parle régulièrement des techniques de nettoyage que j’utilise pour les carcasses au fil de mes posts, et également dans cette sorte de FAQ où je récapitule les techniques que je connais. Si vous avez suivi tout ça, vous savez que parmi mes méthodes préférées, il y a l’utilisation d’élevage de dermestes qui sont très efficaces aussi bien sur des carcasses fraîches que desséchées, dans un milieu bien sec. Ils peuvent faire le travail en quelques jours ou quelques semaines selon la taille et l’état du spécimen. Voici une vidéo bien faite que j’ai découverte dans le courant de l’année passée et qui documentent bien ce type de processus, avec un ara, une chouette et un faisan :

En voici deux autres avec différents insectes nécrophages :

Certaines de ces vidéos ont précédemment illustrées le chouette article Zombies vs. animals ? The living dead wouldn’t stand a chance, de David Mizejewski.

Et en complément de la première vidéo, j’ai également trouvé cet article du site de National Geographic, qui explique le processus, intitulé Flesh-eating beetles explained.