Semflex Standard 4.5

Cela faisait deux ans que je regardais régulièrement les appareils argentiques moyen format sur Ebay. Malgré un gros coup de cœur pour le Kiev 60 ou encore quelques modèles de Hasselblad, je cherchais un TLR pas trop cher et de bonne qualité (autant dire, gros challenge), donc plutôt dans la catégorie TLR Yashica, Seagull ou Semflex. Je suis tombée sur l’annonce de ce Semflex Standard 4.5 il y a deux mois, beau, en très bon état et avec des caractéristiques similaires au Yashica Mat 124 testé l’an passé dont j’avais beaucoup aimé le résultat.

  • Marque : SEM (Société des Etablissements Modernes)
  • Production : 1959-1961, France
  • Pellicule : 120mm (6×6)
  • Objectif : 75mm f/4.5 (3 lentilles)
  • Ouverture : f/4.5 à f/22
  • Focus : 1m – infini
  • Vitesse : 1/250s à 1/10s et mode pose longue
  • Poids : 900g

L’enchère est montée plus que ce que j’espérais et j’ai laissé filé. Et puis un mois plus tard, j’ai reçu une proposition du vendeur qui était prêt à me le céder pour une quarantaine d’euros. J’ai donc sauté sur l’occasion. Outre son très bon état, que ce soit d’un point de vue esthétique ou de l’état de l’option (il est vraiment comme neuf), il était vendu avec sa house en cuir d’origine, un filtre vert et un pare-soleil Semflex dans une boite d’origine également. Bref, après l’avoir reçu, pour une première prise en main, j’étais conquise.

Il ronronne parfaitement, son viseur quadrillé est très pratique et je le trouve plutôt ergonomique pour un TLR.

Je l’ai chargé pour un premier essai avec une 120mm Lomography Redscale XR 50-200, donc une pellicule redscale qui peut être utilisée entre 50 et 200 ISO.

Tout semble fonctionner très bien, le 75mm offre de jolis petits bokeh, j’aime toujours autant le format 6×6 et il est facile de faire des superpositions. C’est également la première fois que j’utilise de la redscale et je suis presque surprise d’apprécier autant le résultat. Les couleurs sont belles et passent du orange/jaune à des couleurs tirant plus dans les rose/bleu lorsque la pellicule prend plus de lumière (ce qu’on voit bien sur les deux superpositions).

Si j’ai bien compris le système, sur une pellicule (qui est constituée de différentes couches), la couche contenant le colorant bleu est normalement au-dessus, ce qui est inversé sur les pellicules redscale. Ici la couche rouge est exposée en premier, ce qui donne cette base chaude sur les photos. Seule une surexposition amène un spectre de couleurs plus étendu, puisqu’elle permet à la lumière de pénétrer les dernières couches du film, sensibles au bleu et au vert.

J’ai hâte de l’utiliser à nouveau avec une pellicule couleur classique mais je crois que cet appareil est bien parti pour être dans mes préférés.

Bos taurus

Aujourd’hui, un peu d’ostéo avec trois magnifiques spécimens qui m’ont été prêtés pour que je puisse y jeter un coup d’œil (merci Panda !). Il s’agit de deux vaches et d’une génisse, et comme je n’ai jamais montré de bovin ici auparavant, c’est l’occasion. Et vous allez vite le voir, les deux vaches sont particulièrement intéressantes.


La première n’est pas complète. Pour son histoire, je sais juste qu’elle est morte noyée coincée dans un cours d’eau à un âge très avancé. Cette vieillesse est d’ailleurs réellement visible sur la plupart de ses restes, et c’est ce qui la rend si intéressante.
Et pour vous donner une idée de la taille de cet animal, chaque carreau du dallage fait 50 cm de côté.


Les bovins sont des herbivores ongulidés, c’est-à-dire qu’ils marchent sur leurs ongles et donc sur la dernière phalange ; et des artiodactyles : ils ont un nombre de doigts pair. Le corps repose donc sur les doigts III et IV, puisque leurs ancêtres ont perdu les I, II et V au cours de l’évolution.

L’os fléché « métatarse » sur la photographie correspond aux métatarses III et IV (reliant la cheville aux doigts), qui ont fusionné au cours de l’évolution chez leurs ancêtres, mais ils portent encore deux doigts.

A part ce rapide tour sur les membres, les photos qui vont suivre montrent principalement des anomalies, plus ou moins impressionnantes, en grandes parties (au moins) liées à l’âge de l’animal.


Le sternum, constitué de sept plaques osseuses, qui ont en grande partie fusionné ici.


On peut voir ici trois vertèbres thoraciques fusionnées et entourées d’exostose (aussi appelée ostéochondrome).

J’en parle régulièrement ici mais pour rappel l’exostose correspond à une croissance anarchique de l’os à la surface de celui-ci en bordure d’articulation. Cette croissance est endochondrale, donc assurée à partir du cartilage, qui grandit en premier lieu au niveau des extrémités des os et que l’os remplace peu à peu (en simplifiant). C’est pour cela qu’on ne retrouve ces lésions qu’en bordure d’articulation (qui sont aux extrémités des os). On peut trouver des tumeurs avec un aspect assez similaire sur les diaphyses des os, mais il s’agit alors de lésions différentes, provoquées par d’autres mécanismes.

Chez les mammifères, différents facteurs peuvent entrainer ces lésions : principalement le vieillissement qui 
est souvent associé à une vascularisation défectueuse de l’os, mais aussi un stress environnemental, 
nutritionnel, un important manque d’exercice, un travail de force répété (qui traumatise les articulation) ou un traumatisme quelconque au niveau de l’os (fracture, infection).


Vue de la surface articulaire du coxal (bassin) qui permet la jonction avec le fémur, au niveau de la hanche. Là aussi, le pourtour articulaire est très exostosé et la surface de l’articulaire est altérée.


Cette fois on peut voir le sacrum (coccyx), qui a fusionné (sur la gauche) avec la dernière vertèbre lombaire, et à droite avec la première vertèbre de la queue.


Détail de cette fusion, où l’on voit bien tout le surplus d’os qui s’est formé pour relier les deux vertèbres (comme pour les trois vertèbres thoraciques soudées vues précédemment).


Sur la partie basse de cette vertèbre, qui correspond au corps vertébral, et qui permet son articulation avec les autres, on voit que la surface est très altérée. Au lieu d’être lisse, elle est devenue poreuse, avec une perte de la densité osseuse. Je pense qu’il s’agit d’un cas d’ostéoporose, maladie qui peut survenir avec la vieillesse et qui se traduit par une fragilisation excessive des os après raréfaction de la trame protéique de ceux-ci.


Et pour fini, on peut voir sur cette photo un cubo-naviculaire (os de la cheville), fusionné avec un métatarse (que j’ai déjà montré plus haut sur une photo).

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La seconde vache n’est pas non plus complète. Elle avait une patte bloquée et est également morte noyée, à un âge encore plus avancé que la première.


Vue du membre antérieur gauche, quasiment complet (à une phalange prêt).


Le peu de vertèbres présentes et le bassin, dont les deux parties sont fusionnées (ce qui arrive chez les individus d’un certain âge).


On retrouve le même phénomène que sur la précédente au niveau du coccyx et de la dernière vertèbre lombaire, avec une soudure totale.


Ici on peut observer une vertèbre thoracique avec beaucoup de petites excroissances osseuses (toujours de l’ostéochondrome) sur sa partie arrière, autour de la surface articulaire. Si l’animal avait vécu plus longtemps, l’os aurait continué à pousser jusqu’à se souder à la vertèbre suivante.


La fameuse hanche bloquée. Les excroissances osseuses qui ont poussé autour de l’articulation ont fini par la bloquer totalement et empêcher tout mouvement.


L’autre hanche. On voit quelques excroissances autour de la tête du fémur, mais l’articulation était globalement saine et permettait à l’animal de pouvoir encore se déplacer.


Voici l’extrémité de la patte bloquée.

Les lésions étant à un niveau d’avancement très différent entre les deux hanches, je pense qu’il est possible que l’état de la hanche bloquée ait été initié ou empiré par une fracture, celle du col du fémur étant particulièrement fréquente chez les mammifères au-delà d’un certain âge. La fracture aurait pu ne pas être réparée correctement, et l’os s’est reconstruit comme il a pu, à l’aveugle, si je puis dire. Cette reconstruction a pu entraîner une production d’os surnuméraire autour du point faible et cette exostose a fini par enchâsser toute la capsule articulaire coxo-fémorale, ce qui peut être à l’origine du blocage de ce membre.

Comme je l’ai rapidement indiqué plus haut, l’incapacité de bouger pleinement un membre peut entraîner des problèmes circulatoires dans celui-ci, et donc de nutrition de l’os (puisque l’os, je le rappelle, est un tissu vivant tant que le corps l’est, nourri par des nutriments amenés dans le sang), et favoriser la formation d’exostose.

Tout cela peut expliquer la présence d’exostose au niveau de l’extrémité de la patte, effet collatéral du blocage au niveau coxo-fémoral. Mais elle a également pu apparaitre de façon antérieure ou parallèle, à cause de l’âge de l’animal ou d’un autre traumatisme au niveau de l’extrémité de cette patte.

Ce que je viens de formuler ne sont bien sur que des hypothèses, puisque d’autre scénarios sont envisageables, mais celui-ci est assez commun.


Les deux premières phalanges sur l’un des doigts ont même totalement fusionné. C’est plutôt impressionnant pour un animal de cette taille.


Un petit os plutôt intéressant, puisqu’il s’agit d’un métacarpe vestigial, articulé derrière le métacarpe gauche (on en devine un autre sur la droite en miroir, mais totalement fusionné). Comme précisé plus haut, les métapodes I, II et V ont disparu durant l’évolution des ancêtres de cette espèce, mais refont parfois une apparition de façon étonnante sur certains individus.

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Et comme je n’en avais pas à vous montrer pour les deux vaches précédentes, voici un crâne de génisse. Les crânes des deux vaches n’ont pas été trouvés, car les corps se sont décomposés à l’air libre et ont servi de terrain de jeu pour les sangliers, qui apparemment, je cite, aiment jouer avec les crânes. La mandibule de la seconde vache a d’ailleurs été cisaillée par un sanglier, de façon assez impressionnante.

On distingue bien sur le crâne trois points d’impacts très réguliers, qui correspondent aux balles de fusil qui l’ont tuée. Ses cornes étaient encore toutes petites au moment de sa mort, mais c’est à cela que ressemble l’os sous l’étui corné en kératine.

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Je n’avais pas énormément de choses à raconter, et malheureusement pas de belles photos avec les individus complets étalés, mais je voulais vous montrer un peu à quoi peut ressembler des os de bovins, et surtout à quoi peut ressembler cette structure chez de vieux individus. C’est impressionnant, mais pas forcément douloureux : ça le devient lorsque ces lésions entrainent une gêne au niveau mécanique (blocage de l’articulation, frottements allant jusqu’à l’éburnation, …).

Et puis la prochaine fois, pour aller dans l’extrême inverse, on parlera de foetus.