Alcedo atthis

J’ai très peu posté sur l’ostéologie et la biologie ces deux dernières années, en partie parce qu’il s’agissait souvent de gros posts qui demandaient beaucoup de temps, et j’ai bien envie cette année de m’y remettre petit à petit un peu plus. J’ai pas mal de choses à montrer, et j’aimerais bien pouvoir le faire à un rythme d’un ou deux posts par mois.


Aujourd’hui je commence doucement avec cette taxidermie du XIXe siècle de martin-pêcheur d’Europe (Alcedo atthis). Il s’agit d’un petit oiseau de l’ordre des Coraciiformes (dont l’étymologie veut dire “comme les corbeaux” , alors que ces derniers font partie de l’ordre des Passeriformes), de la famille des Alcedinidae (oiseaux de plutôt petite taille, au plumage vif et au bec long et fin) et de la sous-famille des Alcedininae (uniquement les martins-pêcheurs). Ce dernier terme provient d’un oiseau légendaire de la mythologie grecque, nommé Alcyon.


Cet oiseau fait environ 16 cm du bec à la queue, pour 40g. Son plumage est turquoise sur le dessus, blanc sous la gorge et roux sur le ventre et les flanc. Il existe sept sous-espèces, dont l’intensité des couleurs du plumage varie. Ce spécimen a le plumage assez terne car il s’agit d’un immature (mais pas loin de la maturité quand même). En effet les juvéniles ont un plumage plus terne que les adultes et les pattes noires (ce qu’à cet individu), tandis que les matures ont les pattes oranges/rouges.


On peut facilement différencier un mâle d’une femelle à la couleur du bec : foncé chez le mâle et il est orange-rouge sur sa partie inférieure chez la femelle. Celui-ci est donc un mâle.


Farouche, c’est une espèce qu’on a du mal à croiser. Elle vit aux abords de plans d’eau peu profonds car elle se nourrit principalement de poissons, mais aussi parfois d’autres types de proies (insectes, crustacés …). Pour repérer ses proies, elle a besoin d’une eau suffisamment claire, ce qui en fait un bon indicateur de pollution. En effet, lorsque l’eau devient trop polluée, le martin-pêcheur déserte son habitat.


Dans la famille des Alcedinidae, voici également un crâne de martin-chasseur de Java (Halcyon cyanoventris), oiseau d’Asie un peu plus imposant (environ 10 cm de plus). Il fait par contre partie de la sous-famille des Halcyoninae (uniquement les martins-chasseurs). Entre ces deux sous-familles on a donc une différence de régime alimentaire (plutôt poissons pour l’une et proies terrestres pour l’autre) et donc de particularités morphologiques adaptées à cela ; notamment le bec. Il est proportionnellement plus fin et plus long chez le martin-pêcheur, donc plus aérodynamique : cela lui permet de plonger dans l’eau pour chasser ses proies sans perdre trop de vitesse (particularité dont n’a pas besoin de le martin-chasseur). D’ailleurs la forme du bec du martin-pêcheur a servi de modèle pour la construction d’un TGV nippon.

Ovis

Au mois de mai je vous parlais de la pellicule Lomochrome Purple utilisée lors de randonnées, en y introduisant une trouvaille : celle d’une décharge sauvage pleine d’ossements de moutons dans l’arrière-pays héraultais. J’en ai ramené une partie à la maison, que j’ai nettoyée et je voulais vous en parler un peu aujourd’hui.


Canon AE-1 Program + film Lomography Lomochrome Purple XR 100-400

La grande majorité des ossements sont des morceaux de crâne et des mandibules quasi complètes de moutons, pour la plupart adultes voire plutôt âgés. Ces animaux ont été consommés puis jetés n’importe comment. Ce lot est intéressant car il y a beaucoup de séries de dents, et qui dit plein de dents, dit probablement des anomalies ou pathologies dentaires (car c’est très courant chez les mammifères) et c’est principalement de cela dont je vais parler.


Voici une partie des crânes, qui sont tous coupés en deux dans le plan sagittal. Toutes les têtes ont été coupées en plein milieu, ce qui est une technique bouchère assez classique pour récupérer la cervelle. C’est d’ailleurs la seule preuve de consommation que j’ai car je n’ai pas trouvé d’autres traces de découpe sur le reste du lot.


Une partie des mandibules.


Les quelques tibias que j’ai trouvé dans le tas.


Deux fémurs, un humérus, deux ulnas/radius et un coxal.


Quelques tarses, une première vertèbre cervicale (qui appartenait à un vieux mouton d’après son aspect) et des dents.


Au milieu j’ai trouvé cette mandibule de suidé (avec une de ses canines de mâle, fendue en deux).


Voici un maxillaire (donc avec la partie haute de la dentition) de mouton adulte, avec une dentition classique : ni incisive, ni canine, trois prémolaire (P2 à P4) et trois molaires (M1 à M3). C’est différent de la dentition du sanglier dont j’ai déjà parlé dans ce post. Le mammifère dont descend le mouton avait à l’origine quatre prémolaires et la première a disparu au cours de l’évolution, pour aboutir chez les mouton au fait que la P2 soit la première prémolaire de la rangée.


Voilà maintenant un cas assez rare de polydontie (j’ai trouvé très peu d’exemple dans la littérature scientifique), c’est à dire qu’il y a une dent supplémentaire, ici une quatrième molaire. Comme il manque les prémolaires, j’avais d’abord un doute, mais entre la forme de chaque dent et leur emplacement, je suis certaine que c’est une M4 (voir photo ci-dessous).


Comparaison avec le premier maxillaire. La troisième molaire n’a toutefois pas tout à fait la même forme, et je pense que c’est parce que la quatrième prend en partie sa place.


Elle n’a d’ailleurs pas eu la place de vraiment s’insérer comme les autres. L’os a une structure fragilisée aux abords de ces molaires.


Un autre maxillaire un peu particulier, puisque ici il manque la première molaire et les autres dents ont pris des positions assez anarchiques.


Voici une mandibule (donc avec la partie basse de la dentition cette fois) de mouton adulte, avec une dentition classique : trois incisives (absentes, mais on voit leurs alvéoles à gauche), trois prémolaires (P2 à P4) et trois molaires (M1 à
M3). A noter que l’os a été mordillé en bas à droite.


Un exemple de mandibule avec des pertes de dents (P2, P3 et M1) et un os qui se reconstruit petit à petit (on le voit à cette structure en filaments) pour combler les alvéoles.


Sur ce maxillaire, la reconstruction osseuse est complète au niveau des alvéoles vides des P4 et M1 (pastille violette).


Sur cette mandibule gauche l’usure de l’émail des dents est hétérogène, avec étonnamment, une seconde molaire qui s’est très peu usée. Ce mouton n’avait probablement plus de dent correspondante en haut, ce qui a empêché le frottement entre les deux dents et donc l’usure de cette seconde molaire.


Encore une mandibule sur laquelle il manque les prémolaire et la première molaire. Une partie des alvéoles se sont rebouchées, mais la reconstruction au niveau de l’alvéole de la M1 n’est pas terminée. Sur la photo suivante, on peut même voir un espace sur le côté entre la seconde molaire et l’os, créé par un abcès.


Une mandibule d’immature : les prémolaires de lait (d2, d3 et d4 ; le d est pour décidual, synonyme de dent de lait) ont une forme totalement différent des prémolaires définitives. Elles sont plus impressionnantes que les définitives, car jusqu’à un certain âge, les immatures n’ont que les prémolaires pour mastiquer les végétaux. Adulte, ce sont les molaires qui font le gros du travail.


Je vous ai montré un cas de polydontie sur le maxillaire, et en voici un sur la mandibule cette fois. Il y a encore une fois une molaire supplémentaire (M4), et comme on peut le voir sur la photo suivante, elle n’a pas vraiment eu la place de pousser. Elle se chevauche avec la M3 et l’espace créé sur le côté ressemble fort à un abcès.


Il n’y a pas de concordance entre le maxillaire avec de la M4 et la mandibule dans la même situation. Il y avait donc deux individus avec cette anomalie.


Et pour finir, une mandibule de juvénile, avec les d2, d3, d4 et la quatrième prémolaire définitive qui commence à pousser sous la d4.

A part l’oligodontie (l’inverse de la polydontie – dont j’ai parlé dans cet article sur les sangliers), le tartreet les caries, avec ce lot, j’ai balayé les anomalies les plus communes que l’on peut trouver au niveau des dents des herbivores. Les dents sont au contact quotidiennement avec d’éléments abrasifs et sont un nid à infections. Sans brossage et soins, et avec parfois de mauvaises conditions alimentaires, les abcès, pertes de dents, caries, placements anormaux des dents et usures hétérogènes sont courants. Les cas d’oligodontie et de polydontie ont une origine génétique, mais c’est aussi plus ou moins fréquent chez les mammifères domestiqués. Si je peux vous conseillez un très bon livre sur le sujet, c’est Colyer’s Variations and Diseases of the Teeth of Animals, de Miles et Grigson.