Vulpes vulpes

Un second renard. Cette fois ci il s’agit d’un mâle, avec une histoire un peu particulière. C’est un ami qui m’a parlé de ce renard, renversé sur un chemin dans des marais. Au final, sa récupération s’est transformée en odyssée de 70 km à vélo en longeant le paysage maritime pour le trouver, au pays des moustiques et des insolations.

Même s’il semblait intact, il ne restait de lui que le cuir, les ligaments et les os. Au niveau du processus de nettoyage j’ai mis à macérer la majorité des os dans de l’eau froide pour que les bactéries consomment ce qu’il restait de tissus mous. Mes dermestes et les asticots se sont par contre chargés de manger ce qu’il restait de peau et de tendons sur les pattes et la queue, dont les os ont ensuite rejoint les premiers. Quelques tissus persistent toujours sur le crâne, que je nettoierai plus tard et je ne pense pas le blanchir au peroxyde d’hydrogène.

L’animal est complet, à une côte droite prêt. Il s’agit d’un vieux mâle (présence du baculum) avec un certain nombre de caractéristiques intéressantes. Dans la mandibule gauche et l’humérus droit on peu voir deux trous bien nets, qui correspondent je pense à des impacts de chevrotine, dont l’animal aurait survécu. Sur les mandibules cela a probablement causé les terribles abcès et la perte de densité osseuse qu’on peut voir. Il y a également des anomalies osseuses sur les deux tibias, l’ulna et le radius droit, peut-être provoquées par un déséquilibre du maintien de l’animal du fait qu’il devait être handicapé par son membre antérieur droit pour se déplacer.
Même si aucun os n’est brisé, je pense qu’il s’est fait renversé par un véhicule. Je ne suis pas rentrée dans les détails aujourd’hui, mais c’est jusqu’ici le spécimen le plus intéressant parmi ceux que j’ai pu récupérer, et j’aime en plus beaucoup cette espèce.


La découverte (photo prise avec Lomography La Sardina).


Macération.


Je pense que les zones noires (qui apparaissent durant la macération en eau froide) montrent l’activité des bactéries anaérobies sulfato-réductrices qui décomposent les graisses à l’intérieur de l’os.


La structure de la queue, avec les ligaments qui relient les vertèbres caudales sur toute leur longueur. Des muscles sont reliées aux premières vertèbres caudales mais le reste de la queue est surtout fait d’os, d’épiderme et de ligaments.


Métatarses, ulna, radius et baculum après le nettoyage par les diptères et dermestes.


L’aspect des os après un premier nettoyage dans de l’eau chaude avec un peu de liquide vaisselle.


Différentes vues des mandibules, les os les plus spectaculaires de ce spécimen. On voit bien sur la première le point très régulier d’impact et l’énorme abcès sur sa droite. On voit également que les dents sont bien usées. Les canines droites le sont particulièrement : je pense qu’il a compensé par rapport à la gêne qu’il devait ressentir à gauche en utilisant plus la partie droite de sa bouche pour se nourrir.


Le hyoïde, petit os qu’on retrouve rarement (on passe souvent à côté chez les mammifères), formé ici de neuf pièces osseuses et relié aux os temporaux. C’est un appareil qui permet de soutenir la langue, le larynx et le pharynx.


Le baculum ou os pénien, présent chez un certain nombre de mammifères et en particulier les Carnivora. Il est bien sûr utile durant l’accouplement.


Et des vues d’ensemble pour finir. On note que les crêtes sagittales et occipitales sont bien développées sur cet individu. Chez un certain nombre de Carnivora, la crête sagittale se développe plus chez les mâles et également en fonction de l’âge. En voici un exemple avec un mâle et une femelle de lion de mer.
Je suis en train de monter une vidéo, qui montrera plus en détail le reste de l’animal. A suivre donc.

10 réponses sur “Vulpes vulpes”

  1. Superbe travail! hallucinant la déformation de la mandibule, il a dû souffrir le martyre. les mandibules sont restées jointes? Comment les as tu soudé? L’autre fois j’ai fais un mini-trou à la visseuse pour y glisser un petit bout de fer du même diamètre, et on n’y voit (presque) que du feu!

  2. C’est vraiment très intéressant ; j’aime bien les analyses faites à partir des ossements. Je pense n’en jamais être capable, et je ne vais pas facilement pouvoir m’adonner à des suppositions avec les têtes de lapins que ma mère me ramène gentiment de la boucherie juste pour que je puisse les enterrer ^^ (elle m’a fait cette surprise-là hier… elle m’a mis dans les mains un sachet avec une tête dépecée de lapin, la langue sortie et les yeux touts vitreux… un régal… >< gentille maman ^^)
    Finalement cette odyssée cycliste a carrément valu le coup 🙂 (le retour à vélo avec la charogne dans les bagages devait être intéressante ^^)

  3. Tristelune > Pas besoin de supposition pour les lapins puisqu’ils ont été tués pour qu’on les mange. Après l’étude d’un squelette complet est très intéressant car cela peut donner beaucoup d’informations accumulées durant la vie de l’animal si on sait les lire, mais les têtes seules c’est beaucoup plus difficile, surtout sur du lagomorphe.
    Je remarque qu’à chaque fois qu’on échange tu mets beaucoup en avant l’aspect et l’odeur des carcasses, qui semblent beaucoup te déranger. Je me dis que tu ne t’es peut-être pas lancée dans une activité qui te correspond ?

  4. J’ai souvenir d’une bécasse qui s’était fait un "pansement" suite à une blessure, et une fois l’os nettoyé (en occurrence, ma mamie l’a mangé) on pouvait voir comment elle était parvenue à se soigner, c’était impressionnant. j’aurais souhaité avoir ton avis sur un beau lézard vert qui se décompose dans mon jardin, c’est la première fois que je fais ça avec un reptile et je n’y connais pas grand chose, penses tu que je vais pouvoir en tirer quelque chose? (je peux t’envoyer une photo si ça t?intéresse). merci

  5. J’ai pas précisé que tu as aussi le droit de ne pas être intéressée, tu m’as l’air d’avoir beaucoup de boulot de ton côté, c’est juste que tu es sans doute plus calée en herpéto que moi. Les plumes et poils ça va, mais les écailles ça m’intrigue, je me demande si ça ne va pas juste sécher. Je t’épargne quand même la phrase "tu veux voir mon gros lézard", ça fait un peu vicieux-dégoutant 😉

  6. charlotte > Non pas de soucis ^^ mais je retiens pour le "gros lézard" :p. Envoie moi une photo et j’essaierai de répondre rapidement à ton mail. J’aimerai bien plus d’infos sur la bécasse, par curiosité, car j’ai du mal à imaginer avec ta courte description.

  7. Les bécasses sont des oiseaux très futés. Quand elles sont blessées, du genre du plomb de chasse ou plus grave même, une patte cassée, elles savent se faire des "emplâtres", à base de boue, de plumes, de feuilles… Elles peuvent colmater la blessure. Le "pansement" fini par sécher et l’os se consolide autour. c’est assez courant chez cet oiseau (apparemment certains prétendent qu’il y a même des interventions d’autres bécasses si la blessure est difficile à soigner seule, mais tout le monde n’est pas d’accord là dessus) . Cette fois ci l’os de la patte montrait clairement l’endroit soigné, une grosse boule calcifiée. je ne sais pas si c’est plus clair comme explication, mais je pense pouvoir te montrer ça bientôt, car nous avons gardé l’os chez mes parents. je ferai une photo pour que tu puisses voir ça clairement.

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