F.A.Q. Montages ostéologiques

Au sujet des montages ostéologiques, les mêmes questions reviennent souvent dans vos commentaires et dans vos mails, donc je vais tacher d’y donner des éléments de réponses assez généraux. Je n’ai pas la prétention de tout savoir sur le sujet mais j’ai seulement la volonté d’apporter des éléments de réponses aux questions récurrentes avec ce que j’ai pu apprendre là-dessus durant ces dernières années. Cette sorte de F.A.Q. sera mise à jour dans le futur en fonction d’autres question qu’on pourra me poser et de l’évolution de mes connaissances.

– Où trouve-t-on des ossements ou des restes animaux ?

Partout. Dans les bois, en ville, sur la route (malheureusement beaucoup d’animaux se font renverser), sur la plage, il suffit d’observer un peu autour de soi. On peut aussi en trouver chez des antiquaires, dans des marchés aux puces, ou tout simplement chez le poissonnier ou le boucher. Il existe d’autres façons de s’en procurer, mais plus par contacts (pertes de zoo, pertes d’animaux de compagnie, etc.) On peut également en trouver sur internet, mais je ne donnerai pas spécialement de liens car je ne fais pas ce post dans l’optique d’encourager ce type d’achats. Des copies en résine sont également faciles à trouver et c’est plus eco-friendly (notamment pour les espèces en danger/protégées).

– Quelles sont les réglementations à ce sujet ?

Il existe des lois pour réglementer la possession et la commercialisation des espèces et les protéger. Elles s’appliquent à l’animal vivant ou mort, entier ou non, ainsi que les produits ou objets qui en sont dérivés. Voici les principales :

  • La protection française est une réglementation nationale qui interdit tout commerce ou détention des espèces concernées. Ce site permet de voir quelles espèces sont concernées.
  • La protection européenne est une réglementation sur le commerce international à l’échelle de l’Europe et les espèces sont classées dans des annexes A (espèces menacées d’extinction), B (espèces non menacées mais qui pourraient l’être par le commerce), C (espèces protégées par un pays souhaitant la collaboration des autres pour surveiller les exportations illégales) et D (espèces non inscrites à la CITES mais dont l’Union Européenne surveille les exportations). Le commerce international des espèces de l’annexe A est interdit et celui des autres annexes nécessite des permis. Ce site permet de voir quelles espèces sont concernées.
  • La Convention de Washington (CITES) réglemente le commerce international des espèces de faune et de flore sauvage menacées d’extinction, classées dans les annexes I (espèces menacées d’extinction), II (espèces non menacées mais qui pourraient l’être par le commerce) et III (espèces protégées par un pays souhaitant la collaboration des autres pour surveiller les exportations illégales). Le commerce international des espèces de l’annexe I est interdit sauf conditions exceptionnelles et celui des autres annexes nécessite des permis. La liste des espèces CITES est consultable ici ou ici.
  • Liste rouge de l’IUNC (Union Internationale Pour La Conservation De La Nature) : Cela n’a pas de valeur juridique mais dans sa liste rouge, cette organisation répertorie les espèces menacées selon différents degrés (Non évalué, Données insuffisantes, Préoccupation mineure, Quasi-menacé, Vulnérable, En danger, En danger critique d’extinction, Espèce ne survivant qu’en captivité et Espèce disparue). Chacune des espèces fait l’objet d’une évaluation et d’un suivi lorsque les données sont en quantité suffisante. Je trouve cela intéressant d’y jeter tout de même un coup d’œil. La liste rouge est consultable ici.

– Comment nettoyer des os ?

On peut retrouver des restes dans n’importe quel état : du cadavre frais aux restes parfaitement nettoyés et blanchis par le soleil. Selon l’espèce, sa taille et l’état de la dépouille, il existe différentes méthodes de nettoyage : la macération, l’utilisation d’insectes en vivarium ou en extérieur, faire bouillir, l’enfouissement sous terre, l’enfouissement dans la cendre, etc. Chaque méthode a des avantages et des inconvénients et peut mieux convenir à certains types de spécimens seulement. Il n’y a pas de solution miracle, chacun peut faire sa propre cuisine. Je vais pas détaille chaque méthode car il y a des sites ou des livres qui en parlent déjà très bien. J’ai mis des liens avec des tutoriels en bas de post. J’essaie aujourd’hui d’appliquer cela (en adaptant ça au cas par cas) :

  • Si les restes comportent des tissus hydratés (cas des carcasses complètes et fraîches ou presque) : Dans ce cas je dissèque et j’enlève un maximum de tissus mou. Je mets ensuite le reste de la carcasse à macérer. La macération permet d’enlever les tissus mous par action bactérienne : on plonge les os dans de l’eau chaude ou eau froide (beaucoup plus long). C’est donc plus rapide si on enlève un maximum de chair avant. L’odeur est très désagréable (je les mets dans des pots fermés mais ce n’est pas super sympa quand il faut les ouvrir) et cette technique ne permet pas de conserver les ligaments donc tous les os se séparent (méthode déconseillée pour certains spécimens trop fragiles ou trop petits). La seconde solution (je le fais régulièrement pour les oiseaux par exemple) est de laisser les chairs de l’animal se faire consommer par les larves de mouches.
  • Si les restes comportent des tissus déshydratés (cas des momies) : Dans ce cas j’utilise encore une fois la macération, car l’eau va réhydrater les tissus, ce qui les rendra consommables par les bactéries qui se trouvent dans l’eau. La seconde technique que j’utilise est d’utiliser des larves de dermestes, qui consomment les tissus secs très rapidement.
  • Si les restes ne comportent plus de tissu : En principe dans ce cas de figure, ils sont tout de même un peu sale, donc je les lave dans de l’eau tiède à l’aide d’une brosse à dent.
  • Dégraissage : Même si les os sont propres à l’extérieur, il reste en général un peu de graisse dans l’os. Il faut faire sortir la graisse de la structure osseuse (chaque espèce est plus ou moins grasse) et pour cela on met les os dans un bocal en verre contenant de l’acétone. Ce n’est pas une étape obligatoire, mais avec le temps, la graisse peut ressortir de l’os et servir de niche pour de la moisissure.
  • Blanchissement : C’est la dernière étape, pour désinfecter et rendre les os bien blancs. On plonge les os dans de l’eau oxygénée pour quelques heures à quelques jours (cela dépend de la taille des os), mais certains préfère laisser les os au soleil (cette méthode est beaucoup plus longue : j’ai mis deux mois à blanchir un crâne de jeune sanglier cet été au soleil et le résultat n’est pas parfait).
  • A ne pas faire : Il y a tout de même trois choses que je déconseille fortement pour le nettoyage de matériel osseux. En premier lieu, faire bouillir : à trop forte chaleur et trop longtemps, cette méthode fait éclater les os plus fragile et surtout, fixe la graisse dans la structure, ce qui est mauvais pour sa bonne conservation. Deuxièmement, la javel, ça détruit totalement la surface de l’os, qui part ensuite en paillette d’os. Et troisièmement, l’utilisation de liquide vaisselle coloré : j’ai des amis qui se sont déjà retrouvés avec des os roses ou jaunes. Comme disent les américains Never boil, never bleach.

En bas de ce post, j’ai mis des photos des spécimens que j’ai nettoyé, avec les liens pointant vers les articles. Dans ces articles, justement, je détaille le processus que j’ai utilisé pour chaque spécimen, et cela vous aidera peut-être à y voir plus clair.

– Comment réaliser un montage ?

Là encore, des sites et des livres en parlent beaucoup mieux que moi. Pour commencer je conseillerais juste de mettre tous les os dans l’ordre, de s’aider de manuels d’anatomie et de zoologie, et faire le bilan pour voir ce qu’il peut manquer. Il existe différents types de montages :

  • Le montage ligamentaire : les ligaments sont laissés en place et tiennent en partie la structure.
  • Le montage non ligamentaire : tout les os sont collés un à un (pour les petits spécimens). Cela peut être couplé avec un ajout de structures métallique pour mieux tenir l’ensemble sur de plus gros spécimens. Les extrémités des os sont percées pour être relier entre elles avec du fil de fer. Mais là encore, chacun à ses recettes et elles dépendent de la taille de l’animal.
  • Les éclatés : méthode assez spectaculaire souvent utilisée sur des crânes ou des animaux avec un exosquelette : on isole chaque petit os qu’on monte sur une structure métallique, ce qui permet à la fois d’avoir une vision générale du crâne ou du squelette mais de pouvoir également se concentrer sur un os.

Des supports en bois, boîtes en plexiglas ou dômes peuvent s’acheter (ou se fabriquer quand on sait bricoler un petit peu) pour permettre de bien mettre en valeur un montage ostéologique.

– Comment conserver un spécimen ?

Lorsqu’on trouve un spécimen mort récemment et sans signe de dégradation, cela peut être intéressant de le conserver. Pour cela il faut le mettre en bocal (verre de préférence) avec :

  • Du formol : c’est ce qui conserve le mieux les couleurs mais je ne le recommande pas du tout car c’est un produit cancérigène et à manipuler dans des conditions de laboratoire. C’est de plus assez difficile de s’en procurer aujourd’hui.
  • De l’alcool à 90° ou 70° : à long terme cela ne conserve pas très bien les couleurs mais c’est ce que j’utilise. L’alcool a aussi tendance à s’évaporer au fil du temps, donc il faut parfois en rajouter ou le remplacer. Pour les gros spécimens, il est préférable de les fixer préalablement dans une solution de formol avant de les placer dans l’alcool, pour une meilleure conservation, et également de faire pénétrer de l’alcool ou du formol à l’intérieur du corps à l’aide d’aiguilles.

Certains font leurs propres mélanges. Et vous pouvez aussi les faire naturaliser ou apprendre à le faire. D’autres encore arriver à faire momifier leurs spécimens.

– Livres, sites & tutoriels utiles

Voici une sélection de livres qui peuvent être utiles pour l’ostéologie, l’identification, les montages ostéologiques ou la systématique, ou sur la biologie ou l’histoire naturelle en général :

  • Evolution, de Jean-Baptiste de Panafieu : ce magnifique livre contient des textes vulgarisés sur l’évolution, et surtout de magnifiques clichés de squelettes en noir et blanc pour les illustrer.
  • Histoire naturelle, sous la direction de Becky Alexander, Ann Baggaley et Kim Dennis-Bryan : ce livre est tout simplement sublime.
  • Classification phylogénétique du vivant et Classification phylogénétique du vivant vol.2 , de Guillaume Lecointre et Hervé Le Guyader : bible des biologistes, c’est surtout un livre de systématique, qui permet de voir où se situent des espèces dans le règle du monde vivant.
  • Animal Skulls: A Guide to North American Species, de Mark Elbroch : livre contenant des planches, descriptions et grilles biométrique des crânes de la plupart des espèces de mammifères, oiseaux et reptiles d’Amérique du Nord. Certaines espèces étant assez similaires en Europe, ça aide à identifier des crânes.
  • The Bone Building Books , de Lee Post : c’est une série de manuels qui expliquent comment nettoyer (il expose à peu prêt toutes les méthodes), préparer et articuler un squelette étape par étape. Chaque manuel est dédié à un groupe d’animaux différent et est illustré par des dessins en noir et blanc de l’auteur. Ce sont les ouvrages les plus complets que je connaisse pour s’aider dans la réalisation de montages ostéologiques.
  • Comparative Osteology: A Laboratory and Field Guide of Common North American Animals, de Bradley Adams et Pam J. Crabtree : ce livre regroupe des planches anatomiques et descriptions de chaque os des principales espèces de mammifères d’Amérique du Nord. Certaines espèces étant assez similaires en Europe, ça peut être utile pour des montages ostéologiques. Ce livre est également assez orienté archéolozoologie.
  • Anatomie comparée des mammifères domestiques : Tome 1, Ostéologie, de Robert Barone : cette bible des vétérinaires regroupe des planches anatomiques et descriptions de chaque os des principales espèces de mammifères domestiques qu’on trouve en France (âne, cheval, boeuf, mouton, chèvre, porc, chien, chat et lapin). Ce livre est bien utile pour les montages ostéologiques, avoir une vue d’ensemble du squelette ou identifier des os.
  • Guide critique de l’évolution, sous la direction de Guillaume Lecointre : mon livre français préféré sur l’évolution, complet et bien illustré.
  • Skulls: An Exploration of Alan Dudley’s Curious Collection, de Simon Winchester : livre sur la collection de crânes de l’anglais Simon Winchester. Il permet d’avoir des photos de référence de beaucoup d’espèces.
  • Les oiseaux d’Europe, d’Afrique du nord et du Moyen-Orient : Le grand guide ornitho, édition Delachaud et Niestlé : le livre français le plus complet sur l’ornithologie, avec illustrations et descriptions de plus de 900 espèces.
  • Le guide herpéto : 228 amphibiens et reptiles d’Europe, édition Delachaud et Niestlé : un livre  très utile pour identifier les espèces d’amphibiens et de reptiles d’Europe.
  • Mammifères d’Europe, d’Afrique du Mord et du Moyen-Orient, édition Delachaud et Niestlé : un livre  très utile pour identifier les espèces de mammifères d’Europe.
  • Taxidermie, de Alexis Turner : un livre sur la taxidermie à travers les âges, les différents courants et le pourquoi de ces objets.
  • Cabinets de Curiosités : La passion de la collection, de Christine Davenne et Christine Fleurent : histoire des cabinets de curiosités à travers les âges et photos de cabinets modernes.
  • Cabinets de curiosités, de Patrick Mouriès : histoire des cabinets de curiosités à travers les âge, avec beaucoup d’illustrations de cabinets anciens.

Une sélection de quelques sites :

Et quelques tutoriels :

– Pour finir

Faire attention à la législation concernant l’espèce est très important. Pour ce qui est des achats, je pense qu’il est aussi préférable d’essayer d’acheter des montages ostéologiques ou des crânes anciens plutôt que du matériel hyper récents sur des sites internet qui ont l’air éthiquement louches. Et surtout, surtout, aucun animal ne doit être tué ou maltraité pour cela.

Personnellement, depuis la fac je suis entourée par l’anatomie de par les études que j’ai choisi et ce n’est pas pour me déplaire. C’est ma passion pour cette discipline, tout comme mon très fort intérêt pour l’évolution, l’histoire naturelle, la zoologie et l’écologie qui m’ont poussé à m’intéresser plus particulièrement à l’ostéologie. Je suis émerveillée par la beauté de ces structures anatomiques complexes, par la façon dont la morphologie nous apprend les adaptations d’une espèce à son environnement, et le vécu d’un individu. Je vois dans les montages ostéologiques et la conservation de spécimens, un moyen de les préserver, un formidable moyen d’études, mais aussi une forme de recyclage extrême et d’hommage à la nature et à la biodiversité.

J’en profite aussi pour remercier JC et Vaukalaka, qui m’ont beaucoup appris sur les montages. Vous pouvez retrouver des photos des rares montages que j’ai pu finir sur cette partie du blog ou ma galerie. Si vous avez d’autres questions sur tout ça, n’hésitez pas à laisser un commentaire ici ou à m’envoyer un mail via le formulaire de contact en haut à droite dans le menu.

– Quelques spécimens que j’ai nettoyés et/ou montés :


Chien domestique #2 / Canis familiaris


Fœtus de chèvre domestique / Capra hircus


Blaireau / Meles meles


Fouine #3 / Martes foina


Renard #4 / Vulpes vulpes


Vache domestique / Bos taurus


Fouine #2 / Martes foina


Chèvre domestique, variété naine / Capra hircus


Sanglier / Sus scrofa


Chien domestique / Canis familiaris


Lapin commun / Oryctolagus cuniculus


Huitrier pie / Haematopus ostralegus


Pie bavarde / Pica pica


Chat domestique / Felis catus # 2


Ragondin / Myocastor coypus


Fouine / Martes foina


Pigeon biset / Columba livia # 2


Chèvre / Capra hircus


Merle noir / Turdus merula # 3


Renard roux / Vulpes vulpes # 2


Sérotine commune / Eptesicus serotinus


Pigeon ramier / Columba palombus


Chevreuil / Capreolus capreolus


Renard roux / Vulpes vulpes # 1


Merle noir / Turdus merula # 2


Sparidae


Pigeon biset / Columba livia # 1 + passereau non identifié


Faisan de Colchide / Phasianus colchicus


Chat domestique / Felis catus # 1


Hypsignathe / Hypsignathus monstrosus


Sanglier / Sus scrofa


Merle noir / Turdus merula # 1

– Parfois je restaure aussi des taxidermies anciennes :


Blaireau / Meles meles


Pie commune / Pica pica


Corneille / Corvus corone

Instax mini



J’ai passé un très bon week-end avec ma famille et je commence à mieux maitriser mon nouvel appareil instantané :). J’ai l’impression de mieux m’en sortir en deux semaines qu’avec mon polaroid 600 en cinq ans.
Musique : Song 2 – Blur