Martes foina # 3

Après un gros mâle et une femelle, voici mon troisième nettoyage de fouine accidentée. Comme pour la seconde, elle a été trouvée fraiche en bord de route, probablement après avoir été renversée. La grande différence avec les deux autres est que j’ai testé une nouvelle méthode de nettoyage. Je l’ai tout simplement mise en terre dans un grand pot de fleur durant six mois. Et bien au final, ce n’était pas ma meilleure idée.

Après discussion avec un ami qui fait régulièrement ça, je pense que c’est plutôt pratique et efficace lorsque la contenance du pot est au moins quatre/cinq fois plus importante que la taille de l’animal, il y a alors assez de terre et de microfaune pour absorber les tissus mous. Ce qui n’était pas le cas avec cette fouine, dont le pot était juste un peu plus grand. D’ailleurs, en passant, j’ai un blaireau disséqué dans un pot à peine plus grand que lui depuis neuf mois et c’est l’anarchie totale, même les grosses chaleurs de l’été et les larves de mouches n’ont pas encore eu raison de lui.

Bref, j’ai testé, et cela n’a pas été parfait mais j’ai quand même pu nettoyer cette fouine sans passer par la macération. La terre a pars ailleurs laissé une coloration très brune à la surface des os, que l’eau oxygénée n’a pu que légèrement estomper.

Sans tamis j’ai aussi beaucoup trop perdu de petits os. Là, je rêve d’avoir un jardin où je puisse tamiser sans contrainte, avec tamis et jet d’eau.

Pour le reste, ça doit être la quinzième dépouille de carnivores dont je vous montre le nettoyage, alors je commence à n’avoir plus grand chose de nouveau à vous raconter sur les adaptations de carnivores et les mustélidés. Cette fois, ce sera donc surtout des photos :).

Je commence avec le tronc :

Les membres inférieurs :

Le membre antérieur droit :

Le bassin :

Comparaison entre les crânes des trois fouines, la 1 étant le mâle, la 2, la première femelle et la 3, la femelle que je vous présente ici. Les crânes sont également présentés par ordre de taille décroissant. Chez les mustélidés les mâles sont généralement plus grands et plus trapus que les femelles. Parmi cette famille, le dimorphisme sexuel entraine un développement plus important des crêtes sagittale et occipitale (celles à l’arrière du crâne, déjà mises en avant dans de précédents posts) sur le crâne des mâles. Tout cela s’observe dans ce cas là :

Cela s’observe également sur d’autres os, comme on peut le voir sur la photo suivante avec les fémurs gauches (à gauche) et les ulnas gauches (à droite). Étonnamment les tibias de la seconde femelle (au centre) sont particulièrement grands (même si la cassure recollée triche un peu).

La seule anomalie que j’ai détecté sur cet animal se trouve au niveau de la queue. Les vertèbres caudales 9 et 10 ont chacune une extrémité où la surface articulaire (qui permet donc l’articulation avec la vertèbre précédente ou suivante) n’existe plus et a sa structure osseuse altérée. Les deux s’emboitent parfaitement, mais d’une telle façon que cela ne positionne pas la caudale 10 dans le bon sens.

Pour rendre les choses plus visuelles, sur la première photo j’ai placé les vertèbres dans une position normale, quasi vues de dessus et j’ai pointé un point de repère avec la flèche. Sur la seconde photo, j’ai gardé le même repère, mais j’ai mis la vertèbre 10 dans la position où elle s’emboite avec la 9. Je pense que l’animal s’est brisé la queue entre ces deux vertèbres, ce qui a altéré leur surface articulaire, en faisant faire au reste de la queue un quart de tour dans le sens horaire.

Et pour finir, une vue de dessus de l’animal, avec mise en avant de chaque os fracturé ou brisé (en violet) et des anomalies (en vert). Je pense, comme la plupart des animaux que je récupère, qu’elle s’est fait violemment heurter par un véhicule.

A force de vous montrer toujours du renard ou de la fouine, je commence à avoir peu de choses nouvelles à vous dire sur ces animaux là, mais les prochains posts seront probablement sur des cervidés, des fœtus (et oui, celui-là est toujours en cours d’écriture) ou un blaireau, donc cela promet plein de nouvelles choses.

Vulpes vulpes # 4

En janvier je vous avais parlé d’une renarde trouvée morte sur la route dans ce post. Aujourd’hui le processus de nettoyage est enfin terminé et voici un petit point rapide sur ce qu’il en ressort.

Je l’ai nettoyé par macération, comme je l’avais annoncé, après dissection.
Il s’agissait bien d’une femelle adulte assez jeune (entre 1,5 et 2 ans je dirais). Lorsque je l’ai récupéré il était déjà évident qu’elle avait été écrasée et qu’il y avait eu beaucoup de dégâts, mais je pense qu’on s’en rend mieux compte avec le squelette nettoyé. Tous les os brisés et/ou fracturés sont représentés en violet sur la photo suivante, ce qui laisse intact seulement l’extrémité des pattes et quelques vertèbres. Je pense qu’elle n’a pas seulement été percutée, mais qu’elle est réellement passée sous les roues d’une voiture.

Le crâne est dans un état lamentable et il m’a été impossible de le remonter :

Une partie des côtes ne figurent pas sur ces photos, car elles sont trop fragmentées :

Lorsqu’on a trouvé le corps, il était éventré et des fragments d’os en avaient été expulsés, notamment au niveau du bassin, qui est alors très incomplet :

Les os des extrémités des membres, étant petits, ont été moins malmenés :

Je n’ai pas détecté d’anomalies ou de pathologies sur cet individu (rhaaa), mise à part celle-ci, assez courante. Il s’agit des cartilages costaux (qui relient les côtes au sternum pour fermer la cage thoracique) qui se sont ossifiés par portions :

Petite comparaison rapide avec les autres renards déjà présentés ici. Le 1 est un vieux mâle qui s’est fait renversé, le 2 est un renard adulte (mâle ?) dont je ne connais pas les circonstances de la mort, et le 3 une femelle adulte également morte sur la route. La nouvelle est la plus petite, que ce soit au niveau du crâne (ce n’est pas flagrant sur la photo, mais c’est le cas) ou des os longs, et je reste toujours autant impressionnée par la taille des os du vieux mâle.

Bos taurus

Aujourd’hui, un peu d’ostéo avec trois magnifiques spécimens qui m’ont été prêtés pour que je puisse y jeter un coup d’œil (merci Panda !). Il s’agit de deux vaches et d’une génisse, et comme je n’ai jamais montré de bovin ici auparavant, c’est l’occasion. Et vous allez vite le voir, les deux vaches sont particulièrement intéressantes.


La première n’est pas complète. Pour son histoire, je sais juste qu’elle est morte noyée coincée dans un cours d’eau à un âge très avancé. Cette vieillesse est d’ailleurs réellement visible sur la plupart de ses restes, et c’est ce qui la rend si intéressante.
Et pour vous donner une idée de la taille de cet animal, chaque carreau du dallage fait 50 cm de côté.


Les bovins sont des herbivores ongulidés, c’est-à-dire qu’ils marchent sur leurs ongles et donc sur la dernière phalange ; et des artiodactyles : ils ont un nombre de doigts pair. Le corps repose donc sur les doigts III et IV, puisque leurs ancêtres ont perdu les I, II et V au cours de l’évolution.

L’os fléché « métatarse » sur la photographie correspond aux métatarses III et IV (reliant la cheville aux doigts), qui ont fusionné au cours de l’évolution chez leurs ancêtres, mais ils portent encore deux doigts.

A part ce rapide tour sur les membres, les photos qui vont suivre montrent principalement des anomalies, plus ou moins impressionnantes, en grandes parties (au moins) liées à l’âge de l’animal.


Le sternum, constitué de sept plaques osseuses, qui ont en grande partie fusionné ici.


On peut voir ici trois vertèbres thoraciques fusionnées et entourées d’exostose (aussi appelée ostéochondrome).

J’en parle régulièrement ici mais pour rappel l’exostose correspond à une croissance anarchique de l’os à la surface de celui-ci en bordure d’articulation. Cette croissance est endochondrale, donc assurée à partir du cartilage, qui grandit en premier lieu au niveau des extrémités des os et que l’os remplace peu à peu (en simplifiant). C’est pour cela qu’on ne retrouve ces lésions qu’en bordure d’articulation (qui sont aux extrémités des os). On peut trouver des tumeurs avec un aspect assez similaire sur les diaphyses des os, mais il s’agit alors de lésions différentes, provoquées par d’autres mécanismes.

Chez les mammifères, différents facteurs peuvent entrainer ces lésions : principalement le vieillissement qui 
est souvent associé à une vascularisation défectueuse de l’os, mais aussi un stress environnemental, 
nutritionnel, un important manque d’exercice, un travail de force répété (qui traumatise les articulation) ou un traumatisme quelconque au niveau de l’os (fracture, infection).


Vue de la surface articulaire du coxal (bassin) qui permet la jonction avec le fémur, au niveau de la hanche. Là aussi, le pourtour articulaire est très exostosé et la surface de l’articulaire est altérée.


Cette fois on peut voir le sacrum (coccyx), qui a fusionné (sur la gauche) avec la dernière vertèbre lombaire, et à droite avec la première vertèbre de la queue.


Détail de cette fusion, où l’on voit bien tout le surplus d’os qui s’est formé pour relier les deux vertèbres (comme pour les trois vertèbres thoraciques soudées vues précédemment).


Sur la partie basse de cette vertèbre, qui correspond au corps vertébral, et qui permet son articulation avec les autres, on voit que la surface est très altérée. Au lieu d’être lisse, elle est devenue poreuse, avec une perte de la densité osseuse. Je pense qu’il s’agit d’un cas d’ostéoporose, maladie qui peut survenir avec la vieillesse et qui se traduit par une fragilisation excessive des os après raréfaction de la trame protéique de ceux-ci.


Et pour fini, on peut voir sur cette photo un cubo-naviculaire (os de la cheville), fusionné avec un métatarse (que j’ai déjà montré plus haut sur une photo).

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La seconde vache n’est pas non plus complète. Elle avait une patte bloquée et est également morte noyée, à un âge encore plus avancé que la première.


Vue du membre antérieur gauche, quasiment complet (à une phalange prêt).


Le peu de vertèbres présentes et le bassin, dont les deux parties sont fusionnées (ce qui arrive chez les individus d’un certain âge).


On retrouve le même phénomène que sur la précédente au niveau du coccyx et de la dernière vertèbre lombaire, avec une soudure totale.


Ici on peut observer une vertèbre thoracique avec beaucoup de petites excroissances osseuses (toujours de l’ostéochondrome) sur sa partie arrière, autour de la surface articulaire. Si l’animal avait vécu plus longtemps, l’os aurait continué à pousser jusqu’à se souder à la vertèbre suivante.


La fameuse hanche bloquée. Les excroissances osseuses qui ont poussé autour de l’articulation ont fini par la bloquer totalement et empêcher tout mouvement.


L’autre hanche. On voit quelques excroissances autour de la tête du fémur, mais l’articulation était globalement saine et permettait à l’animal de pouvoir encore se déplacer.


Voici l’extrémité de la patte bloquée.

Les lésions étant à un niveau d’avancement très différent entre les deux hanches, je pense qu’il est possible que l’état de la hanche bloquée ait été initié ou empiré par une fracture, celle du col du fémur étant particulièrement fréquente chez les mammifères au-delà d’un certain âge. La fracture aurait pu ne pas être réparée correctement, et l’os s’est reconstruit comme il a pu, à l’aveugle, si je puis dire. Cette reconstruction a pu entraîner une production d’os surnuméraire autour du point faible et cette exostose a fini par enchâsser toute la capsule articulaire coxo-fémorale, ce qui peut être à l’origine du blocage de ce membre.

Comme je l’ai rapidement indiqué plus haut, l’incapacité de bouger pleinement un membre peut entraîner des problèmes circulatoires dans celui-ci, et donc de nutrition de l’os (puisque l’os, je le rappelle, est un tissu vivant tant que le corps l’est, nourri par des nutriments amenés dans le sang), et favoriser la formation d’exostose.

Tout cela peut expliquer la présence d’exostose au niveau de l’extrémité de la patte, effet collatéral du blocage au niveau coxo-fémoral. Mais elle a également pu apparaitre de façon antérieure ou parallèle, à cause de l’âge de l’animal ou d’un autre traumatisme au niveau de l’extrémité de cette patte.

Ce que je viens de formuler ne sont bien sur que des hypothèses, puisque d’autre scénarios sont envisageables, mais celui-ci est assez commun.


Les deux premières phalanges sur l’un des doigts ont même totalement fusionné. C’est plutôt impressionnant pour un animal de cette taille.


Un petit os plutôt intéressant, puisqu’il s’agit d’un métacarpe vestigial, articulé derrière le métacarpe gauche (on en devine un autre sur la droite en miroir, mais totalement fusionné). Comme précisé plus haut, les métapodes I, II et V ont disparu durant l’évolution des ancêtres de cette espèce, mais refont parfois une apparition de façon étonnante sur certains individus.

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Et comme je n’en avais pas à vous montrer pour les deux vaches précédentes, voici un crâne de génisse. Les crânes des deux vaches n’ont pas été trouvés, car les corps se sont décomposés à l’air libre et ont servi de terrain de jeu pour les sangliers, qui apparemment, je cite, aiment jouer avec les crânes. La mandibule de la seconde vache a d’ailleurs été cisaillée par un sanglier, de façon assez impressionnante.

On distingue bien sur le crâne trois points d’impacts très réguliers, qui correspondent aux balles de fusil qui l’ont tuée. Ses cornes étaient encore toutes petites au moment de sa mort, mais c’est à cela que ressemble l’os sous l’étui corné en kératine.

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Je n’avais pas énormément de choses à raconter, et malheureusement pas de belles photos avec les individus complets étalés, mais je voulais vous montrer un peu à quoi peut ressembler des os de bovins, et surtout à quoi peut ressembler cette structure chez de vieux individus. C’est impressionnant, mais pas forcément douloureux : ça le devient lorsque ces lésions entrainent une gêne au niveau mécanique (blocage de l’articulation, frottements allant jusqu’à l’éburnation, …).

Et puis la prochaine fois, pour aller dans l’extrême inverse, on parlera de foetus.