Capra hircus

Aujourd’hui je vais vous parler du spécimen le plus gros et le plus difficile qu’il m’ait été de nettoyer : une chèvre. J’ai commencé ce post il y a un an et j’étais vraiment impatiente de pouvoir vous montrer ça.

Un de mes amis l’a trouvée au bord d’une route il y a 14 mois. Lorsque je suis allée voir, elle était là, bien complète, avec la peau qui commençait à former une sorte de cuir et la chair qui n’avais pas encore totalement disparu. Une bonne partie de la carcasse avait même séché (les pattes surtout). Voici ce à quoi ressemblait la tête lorsque je l’ai récupérée (juste le crâne et la peau, qui montre que la robe est marron):

Je l’ai donc décortiquée et mis les os à macérer pendant environ un an pour certains. J’avais beau changer régulièrement l’eau, rien n’a fonctionné comme j’aurai voulu sur ce spécimen. De plus, j’ai déménagé au milieu du processus et je ne m’en suis donc pas occupée pendant un certain temps.

Aujourd’hui encore certains os sont toujours gras, je ne les ai pas encore dégraissés, mais globalement j’ai vraiment eu un mal de chien à nettoyer cette chèvre et je suis à deux doigts d’abandonner. J’arrive à un point où je me demande si je ne vais pas l’enterrer pendant deux ou trois ans, histoire de la ressortir de terre propre et avec une jolie patine.

Premier inventaire il y a quelques mois, quand j’ai sorti les premiers os du bain (on voit d’ailleurs bien les parties qui continuent à rejeter de la graisse, qui sont en jaune) :

Les photos suivantes montrent l’animal au complet et je m’excuse de la mauvaise visibilité qu’on a dessus : j’avoue que je ne m’étais pas rendue compte que le sol de ma terrasse avait presque la même couleur que les os. J’en referai probablement plus tard avec un fond foncé, et je vous remontrerai tout ça.

Ce qui est vraiment très intéressant sur ce spécimen, est qu’il s’agit d’une race bien particulière, la chèvre naine. Elle est bien plus petite qu’une chèvre de taille normale. Il s’agit d’une variété qui a été créée par l’homme pour en faire un animal d’agrément en extérieur et que les particuliers puissent en avoir dans leur jardin. Il se trouve qu’il y a beaucoup de fermes d’élevage de cette race dans le sud de la France.
Le problème commun aux races animales naines créées par sélection humaine est qu’il faut mettre le même système dans un corps beaucoup plus petit, et ça se voit directement sur le squelette. Ici, tous les os de ce spécimen sont déformés.
Il existe en fait trois races de chèvre domestique de petite taille : la toy (ou mini-naine), la naine et la demi-naine, qu’on différencie par leur hauteur au garrot (respectivement de < 40 cm ; entre 40 et 60 cm et > 60 cm). Grâce aux indices d’estimation de hauteur au garrot pour cette espèce, d’après la mesure de ses os longs, cette chèvre mesurait entre 49,3 et 53 cm au garrot. C’est donc bien une chèvre de la race naine.

Je n’ai vu aucune marque qui puisse être apparentée à un traumatisme type collision avec un véhicule. Je pense qu’elle est morte, peut-être de causes naturelles et que son propriétaire l’a jetée dans un endroit presque désert plutôt que d’avoir à payer l’équarrisseur.

L’âge est d’ailleurs difficile à dire puisque j’ai des critères pour des individus de taille normale, mais pas pour ce type de race. Son squelette étant assez déformé, cela fausse les critères habituellement utilisés pour déterminer l’âge. En tout cas, elle était adulte, mature, et je pense qu’elle était vieille (plus de huit ans ?), de part l’usure des dents et la surface de chaque os qui est pleine d’aspérités au lieu d’être lisse. Je n’ai pas déterminé le sexe d’après les critères osseux pour les mêmes raisons, mais d’après la forme et la longueur des cornes qui sont assez petites, je pense qu’il s’agit d’une femelle.
Sur cette photo on voit bien que les dents sont très usées, arasées même pour la plupart et particulièrement les molaires 1 :

Le crâne est ridiculement petit et le museau est très court par rapport à une chèvre de gabarit normal. Je vous ai mis une photo de crâne de chèvre de taille normale pour vous montrer un petit peu les différences morphologiques :


(Photo par Terrabyte Farm)

Le crâne de notre spécimen n’est vraiment pas symétrique puisque tout a tendance à aller vers la droite, les nasaux sont très courts, les frontaux sont particulièrement bombés et chose que je n’avais jamais vu sur cette espèce, tous les os du crâne sont totalement soudés. Effectivement, à part sur l’extrémité des os nasaux, on ne voit plus de sutures.
La corne gauche a probablement été coupée puisque l’étui corné se termine de façon très nette. A noter que cette corne vrille totalement dans le mauvais sens.
Je n’ai pas retrouvé toutes les parties de l’appareil hyoïde.

Au niveau du squelette axial c’est assez anarchique et c’est là que je me suis vraiment dit mon dieu, tout ce qui constitue normalement une chèvre n’a pas réussi à rentrer dans ce corps.
Il manque une vertèbre cervicale : est-ce qu’elle n’a jamais été là sur cette chèvre ou est-ce que je ne l’ai pas retrouvée sur la carcasse ? La plupart des vertèbres thoraciques sont déformées, et particulièrement les dernières qui font totalement dévier la colonne vertébrale.
Les premières côtes sont particulièrement épaisses et les côtes 6 et 7 droites sont fusionnées en leur centre.

Plusieurs des dernières vertèbres ont mêmes fusionnées, par deux ou par trois :

Vue des deux côtes fusionnées dont on voit bien les deux têtes articulaires, et d’une troisième dont la tête est très déformée :

Et voici les cartilages costaux, pièces de cartilage qui relient côtes et sternum, qui se sont en grande partie ossifiés (processus qui peut être assez courant lorsque les mammifères vieillissent) :

D’ailleurs, en parlant de sternum, le voici. Il est normalement constitué de sept plaques osseuses qu’on nomme les sternèbres et elles ont ici presque toutes fusionnées. Leur fusion est assez tardive chez cette espèce.

Les membres ont globalement moins de déformations même si leurs articulations présentent souvent de l’exostose (croissance anarchique d’excroissances osseuses au niveau des articulations), lié en principe à un vieillissement des articulations, à certaines maladies articulaires ou à des traumatismes répétés (comme le fait de porter des charges lourdes quotidiennement par exemple).
Le bassin est très étroit et les os longs des membres sont particulièrement courts et épais.

Les phalanges sont vraiment minuscules sur cette chèvre comparées à celles de taille normale.
Les caprins sont des ongulidés, c’est-à-dire qu’ils marchent sur leurs ongles et donc sur la dernière phalange ; et des artiodactyles : ils ont un nombre de doigts pair. Le corps des caprins repose donc sur les doigts III et IV puisque leurs ancêtres ont perdus les I, II et V au cours de l’évolution.
L’os qu’on voit sur la photo avec la double poulie correspond aux métapodes III et IV (métacarpe dans les membres antérieurs et métatarse dans les membres postérieurs) qui ont fusionné au cours de l’évolution chez leurs ancêtres. C’est pour cela qu’il porte encore deux doigts. D’ailleurs, avant les derniers stades embryonnaires cet os est encore séparé en deux chez les caprins.

Je n’ai malheureusement pas de squelette entier, ni même de crâne de chèvre de taille normale chez moi pour faire une comparaison, mais j’ai tout de même quelques os (pas toujours entiers).
A gauche ci-dessous on peut voir deux métacarpes normaux et le troisième appartient à la chèvre naine. On voit bien qu’en plus d’être très court, il est beaucoup plus costaud. A droite c’est la même chose avec une vertèbre thoracique. Celle de la chèvre naine est en-dessous et on remarque sa petite taille mais également son manque de symétrie, les déformations et la surface très hétérogène de l’os.

Sur la photo suivante c’est la même chose avec une scapula et un complexe radius-ulna fusionnés, ceux du spécimen étant toujours à droite. L’ulna et le radius sont particulièrement courbés et sur la scapula, le cartilage scapulaire à son extrémité est en partie ossifié (ce qui est courant chez les vieux individus).

Pour finir, voici un exemple d’exostose sur les articulations des humérus. On voit bien les petites excroissances tout le tour des surfaces articulaires.

Donc pour résumé, j’ai mis un an pour nettoyer sans l’étape dégraissage une chèvre femelle de race naine et de robe marron, âgée, présentant un grand nombre de déformations osseuses liées à sa race et à son âge (entre autre de l’exostose, des cartilages ossifiés et des os soudés entre eux). Elle est peut-être morte de cause naturelle et elle a sans doute été jetée n’importe où par son propriétaire.

J’espère que cet article vous aura plu. En tout cas c’est le spécimen le plus impressionnant sur lequel j’ai pu travailler jusqu’à présent (juste avant le vieux renard plein de plomb et de malformations) et je suis contente de l’avoir, même s’il me donne toujours du fil à retordre.
Je suis une fois de plus désolée pour les photos et le nettoyage pas encore terminé, mais si je devais attendre tout ça, je crois que je ne l’aurais jamais montré. Rendez-vous très vite pour un nouveau spécimen.

Et sinon un squelette de chèvre de taille normale ressemble à ça :


(Source : taxidermy.net)

Pica pica 2

Il y a quelques semaines j’ai trouvé une taxidermie de pie bavarde dans un marché aux puces, vieillotte et un peu mal en point. Je l’ai négociée à quelques euros et j’espérais lui redonner un peu d’éclat. Elle était sale, les plumes toutes emmêlées, et surtout, SURTOUT, le support était affreux. Le fond était une tranche de branche d’arbre type bouleau sur-vernie, avec un cep de vigne. Pour moi ça fait très trophée de chasseur des années 70 et je ne voulais pas garder ça. Voici quelques photos datant de l’achat :

Je l’ai donc enlevée de son support et je suis partie en quête d’un autre plus sympa. J’avais en tête d’acheter un perchoir comme ceux qu’on voit dans les musées d’histoire naturelle. Ceux du site de The little museum shop correspondent tout à fait à ce que j’avais en tête, mais je ne voulais pas mettre six fois le prix de l’oiseau dans le perchoir.
J’ai donc acheté un pied de table et une baguette en hêtre brut dans un magasin de bricolage. Pour la suite, c’est très simple, j’ai coupé deux morceaux dans la baguette puis j’ai percé et assemblé le tout.
J’ai d’abord fait deux trous sur le dessus du perchoir pour passer les fils métalliques des pattes de la pie, mais je me suis rendue rapidement compte qu’en plus de ne pas être symétrique au niveau des pattes, le corps a été empaillée un peu de travers. J’ai donc fait un troisième trou sur le devant au milieu du perchoir pour y faire passer la patte gauche et harmoniser le tout.

Ce n’est pas parfait, c’est très brut et ceux du commerce sont beaucoup plus jolis, mais pour un prototype, je trouve que je m’en sors pas mal. C’est stable, ça donne l’effet que je voulais et j’ai toujours la possibilité de le vernir plus tard. Et surtout, ça n’a pas coûté grand chose.

Pour le nettoyage du bec, des yeux et des plumes, j’ai enlevé la poussière à l’aide de coton-tiges humides. Un second passage au coton-tige a permis de remettre les vibrisses et les barbes des plumes dans le bon sens.

C’est vraiment dommage car les plumes des extrémités de l’aile gauche et de la queue ont été coupées.

Malgré leur âge les plumes ont gardé leurs superbes couleurs. L’armature semble être faite en partie de plâtre : matériel utilisé depuis 1894 pour les naturalisations, et peu à peu remplacé depuis le milieu des années 90. J’aimerai bien avoir une idée un peu plus précise de l’âge de la taxidermie, peut être que l’un de vous aura une idée d’après le support d’origine ?

En conclusion je suis très contente d’avoir pu redonner un peu d’éclat à cette taxidermie vintage et que ce pauvre oiseau n’ait pas été empaillé pour finir décrépi dans une poubelle. En tout cas, pour le moment, il trône fièrement dans le salon, à côté de mes vieux appareils argentiques.

Pinnipèdes & classification

Aujourd’hui, parlons des Pinnipèdes, groupe de carnivores dont les phoques et les otaries font partie.

Les Pinnipèdes sont un taxon (un taxon est une unité de la classification des espèces vivantes, comme un ordre, une famille, etc) encore pas très bien défini dans l’ordre des Carnivores. Dans celui-ci, ils font partis du sous-ordre des Caniformia (littéralement “forme de loup”).

On peut séparer les Pinnipèdes, en deux super-familles, celle des Otarioidae (dans laquelle on a les familles Otaridae et Odobenidae) et des Phocoidea (avec la famille des Phocidae). Dans les Otaridae on retrouve alors les otaries, chez les Odobenidae le morse et chez les Phocidae les phoques.

Pour vous faciliter la lecture, j’ai fait ce petit arbre phylogénétique des Carnivora ci-dessous, en respectant le système des clades et en ne détaillant vraiment que le taxon des Pinnipèdes (en rouge). Un clade est un taxon monophylétique, c’est-à-dire que les espèces qu’il rassemble descendent d’un même ancêtre commun qui leur est propre. Les nœuds et la construction de l’arbre indiquent alors les degrés de parenté entre chaque clade, c’est-à-dire leurs relations de “cousinage”. Cela permet de classer les espèces vivantes. On peut faire apparaître les informations que l’on souhaite dans un arbre phylogénétique : on peut détailler chaque clade jusqu’aux espèces, s’arrêter aux familles comme ici, ou aux genres, etc. Je vous conseille vivement de chercher ça dans google image, vous en verrez plein, de formes, de couleurs différentes, et avec différents types d’informations.

Il existe d’autres systèmes et certains permettent de prendre en compte les taxons polyphylétiques. Ceux-ci sont des taxons qui regroupent des espèces dont leurs ressemblances sont dues à une convergence évolutive et non à un héritage provenant d’un ancêtre commun. Par exemple tous les mammifères marins forment un taxon polyphylétique puisqu’ils ont convergé vers l’adaptation au milieu marin, mais n’ont pas tous le même ancêtre commun (les baleines sont très éloignés des otaries par exemple) et n’ont donc pas tous évolués de la même façon pour avoir cette caractéristique.

Et donc tout ça pour dire que j’utilise le système des clades (la cladistique) car il permet de mettre en avant l’évolution des espèces et des différents taxons.

Plus les nœuds sont sur la droite et plus la divergence évolutive entre les clades est récente. Par exemple, le clade des Canidae et celui des Ursidae ont divergé plus tôt au sein des Carnivora (avec apparition de caractéristiques différentes chez les uns et chez les autres) qu’avec les Pinnipèdes. Ces derniers ont donc été le troisième clade a diverger au sein de l’évolution du sous-ordre des Caniformia.

Les arbres phylogénétiques ne sont pas figés puisque les découvertes de le communauté scientifique y apportent régulièrement des modifications. La position des clades et taxons est toujours soumise à discussion. Par exemple, pour certains, les Pinnipèdes sont considérés comme une super-famille des Carnivores (mais dans ce cas là, si on considère que les Otaridae et Phocoidea sont des super-familles, ça pose problème), et d’autres ne reconnaissent pas du tout ce clade.

Chaque nœud marque donc l’apparition de caractéristiques propres à son clade, qui peuvent être morphologiques, osseuses ou visibles seulement au niveau moléculaire. Pour les Carnivora, la principale caractéristique commune morphologique est que la prémolaire 4 supérieure et la molaire 1 inférieure sont transformées en carnassières coupantes. Pour les Caniformia, au niveau osseux, il s’agit de la bulle tympanique (la structure osseuse qui contient l’oreille interne) qui est formée d’une seule chambre, tandis qu’elle est séparée en plusieurs chambres par un septum chez les Feliformia. Bien sur, plus on se décale sur la droite et plus ces caractéristiques s’accumulent et permettent de caractériser les espèces : de ce fait, si vous avez bien suivi, les ours par exemple vont avoir une prémolaire 4 supérieure et une molaire 1 inférieure transformées en carnassière, et également des bulles tympaniques en une seule chambre.

Ce qui distingue les Pinnipèdes des autres Carnivores est que ce sont des mammifères marins avec les quatre membres qui ont évolué en nageoires. Ils sont très bien adaptés à la vie aquatique : vue et ouïe adaptées, vibrisses pour détecter les vibrations dans l’eau, couche de graisse isolante importante sous la peau (jusqu’à 50 % du poids total du corps chez certaines espèces), reins efficaces pour filtrer le sel de l’eau de mer, organes génitaux et glandes mammaires rétractés sous la peau, appareil digestif adapté à la plongée, etc.

Ils n’ont également pas de carnassières : leurs ancêtres les avaient, puis les ont perdues en évoluant et des reliquats sont toujours visibles à certains stades embryonnaires chez les fœtus.

Ce clade regroupe 33 espèces actuelles et plus d’une cinquantaine d’espèces fossiles.

Les Otarioidea ont les membres postérieurs qui peuvent leur servir de pieds pour se déplacer sur la terre ferme.
Les Phocoidea se distinguent par des membres qui ne permettent pas un déplacement sur la terre ferme (ils rampent) et sont également plus adaptés à la vie aquatique.
Les Otaridae sont les seuls à avoir des oreilles externes.
Les Odobenidae (le morse) ne possèdent pas de fourrure et les canines supérieures sont transformées en défenses.

J’ai récapitulé les principales caractéristiques morphologiques propres sur la figure suivante :

Il y a aussi bien sûr des différences ostéologiques entre ces groupes et je voulais vous en montrer quelques unes à l’aide de deux crânes, un de phoque commun (Phoca vitulina, à gauche sur la photo en dessous) et un d’otarie à fourrure australe (Arctocephalus australis, à droite). Le phoque a été trouvé sur une plage en Angleterre, ce qui explique son état, et je ne connais pas la provenance du second.

Le phoque commun vit sur les côtes tempérées et froides de l’hémisphère nord. c’est l’espèce de Pinnipèdes dont le dimorphisme sexuel est le moins marqué (chez les Pinnipèdes, ce dimorphisme est corrélé au degré de polygamie : plus l’espèce est polygame et plus les mâles sont imposants). L’otarie à fourrure australe vit quant à elle sur les côtés d’Amérique du Sud.

Le crâne du phoque commun est plat avec un rostre (museau) mince, de larges orbites et une boite crânienne ronde. Le crâne de l’otarie est également plat, avec un rostre encore plus fin et petit. Les orbites sont moins larges et la cavité nasale est beaucoup plus réduite.

Le dimorphisme sexuel est très important chez les otaries, avec chez certaines espèces des mâles jusqu’à cinq fois plus grands que les femelles. Leurs crânes sont beaucoup plus imposants, et les crêtes qu’on trouve à l’arrière du crâne (sagittale et occipitale) sont très développées. Sur cette otarie l’os est fin, le crâne est petit et aucune crête n’est visible. Pour moi il s’agit donc probablement d’une petite femelle.

Chez les Otaridae l’extrémité antérieure des os frontaux (en rose sur la photo suivante) s’étend entre les os nasaux (en bleu), tandis que chez les Phocidae, c’est l’extrémité postérieure des os nasaux qui se trouve entre les os frontaux.

Chez le phoque l’os temporal est très développé (en orange). Le muscle temporal s’insère en partie sur cette surface osseuse. Et qui dit plus grande surface d’insertion, dit muscle plus grand et plus fort. Ce muscle permet de fermer la mâchoire : on a donc là un phoque avec une force dans la mâchoire plus importante que l’otarie, ce qui doit lui faciliter la tache pour attraper ou déchiqueter ses proies.

Là encore (photo suivante) on voit que le museau de l’otarie est réduit par rapport à celui du phoque et beaucoup plus étroit. On remarque également bien que ses orbites sont plus petites et moins rondes. Etant donné que les phoques sont les Pinnipèdes les mieux adaptés à la vie aquatique, il est possible que le fait d’avoir de plus grosses orbites soit en lien avec une meilleure acuité visuelle sous l’eau ?

Outre le fait que le phoque n’a pas d’oreille externe, au contraire de l’otarie, la structure de l’oreille interne semble également très différente. On peut déjà voir au niveau externe du crâne que les bulles tympaniques (en rose sur la photo suivante), qui contiennent cette structure, sont très différentes. Chez le phoque elles sont larges et gonflées, avec un méat (conduit) auditif très petit. Chez l’otarie, elles sont plates et réduites en comparaison, avec un méat tout aussi petit. Ont-ils alors une ouïe différente ?

Les canines du phoque (à droite sur le diptyque suivant) sont relativement réduites et les dents jugales (prémolaires et molaires) ont deux à trois cuspides (petite pointe à la surface de la dent), ce qui donne un aspect dentelé. Les canines de l’otarie (à gauche) sont plus impressionnantes, moins courbées et ses troisième incisives supérieures (notées “I3”) ont carrément l’aspect de canines (incisives caniformes). On peut dire qu’il compense une mâchoire moins puissante par des dents plus tranchantes ! Ses dents jugales sont aussi dentelées avec deux à trois cuspides mais l’effet est visuellement assez différent. Cette différence doit être une adaptation à un régime alimentaire légèrement différent (bien que ces espèces consomment toutes deux principalement poissons et céphalopodes) ou une façon de se nourrir ou d’attraper leurs proies différemment.

La formule dentaire du phoque commun est I 3/2 – C 1/1 – J 5/5 (ici j’ai mis “J” pour “jugales”). Même si certaines dents sont manquantes, cet individu n’avait pas d’anomalie dentaire. Ses dents sont très usées, ce qui me fait penser qu’il s’agissait d’un vieil individu. L’otarie à fourrure australe a en revanche une dent jugale de plus au niveau supérieur. Les dents de ce spécimen sont à peine usées, ce qui me fait penser à un adulte jeune.

Autre détail notable sur les dents : les Pinnipèdes parmi les Carnivores sont les seuls à avoir les prémolaires et molaires toutes semblables, sans carnassières. Je ne suis d’ailleurs pas capables de les différentier.

Comme sur la photo précédente, on voit chez le phoque que l’os du maxillaire, que ce soit à l’intérieur ou à l’extérieur de la cavité buccale est très irrégulier et forme plein de petites aspérités autour des dents. Au contraire, l’os de l’otarie a une structure parfaitement lisse. Ces indices vont dans le sens d’un phoque sénile et d’une otarie jeune. On ne le voit pas sur les photos mais les surfaces articulaires du crâne de l’otarie (condyles des mandibules et condyles occipitaux) sont très hétérogènes, au lieu d’être lisses. Cette structure se retrouve chez les individus non matures : il se pourrait que celle-ci soit un petit peu plus jeune qu’une adulte.

Pour finir, voici le détail de l’os chez le phoque sous le crâne. Un certain nombre de trous apparaissent dans l’os (flèches noires), avec un os particulièrement fin autour, et je ne pense pas que cela soit physiologique. Peut-être est-ce lié à la vieillesse ? Il y a également une petite aspérité sur une des surfaces articulaires de l’occipital (flèche rose), propre à cet individu et sans conséquence.

J’espère que cet article vous a plu et n’hésitez pas si vous avez des questions. J’ai tenté de vulgariser un maximum pour le rendre compréhensible à tout le monde, mais j’ai peut-être pu ne pas assez expliquer certains termes ou concepts. Je n’ai pas non plus réexpliqué certaines choses, comme les usures ou formules dentaires, dont j’ai déjà longuement parlé dans le post sur les suidae.