Projet Lost Films #26

J’ai trouvé au marché aux Puces 24 pellicules oubliées de la Seconde Guerre Mondiale. Heureusement, le nom du photographe était avec : Maurice Jourtau, un médecin à Toulouse. Il était aussi soldat durant la Seconde Guerre Mondiale, maquisard et a gagné une médaille militaire après la guerre.
J’ai scanné les pellicules et commencé le projet Lost Films.

Chaque dimanche, je posterai dans le blog les photos d’une pellicule. Les photographies ont été prises entre 1936 et 1945. Il y a beaucoup de photos de la guerre et des photos des vacances de Jourtau avant celle-ci.
Vous pouvez lire l’introduction du projet avec mes recherches ici.
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Pellicule #11, Gap, 1940

Je suis super triste de vous l’annoncer, mais l’aventure Maurice Jourtau est terminée. Après avoir passé des dizaines, des centaines d’heures à scanner son millier de photographies une par une, les retoucher une par une (redimension, contraste quand il fallait, etc.), et faire des recherches sur le photographe, sur chaque clichés, m’être abimé les yeux à lire des actes de naissance du début du siècle écrits à la main sur les archives en ligne, à tout présenter pour vous sur le blog dimanche après dimanche après m’être arraché les cheveux pour trouver un ordre cohérent, et à faire un peu de publicité autour de ce projet, c’est FINI. J’ai publié dimanche dernier la vingt-quatrième et dernière pellicule que j’avais en ma possession, et ça m’aura pris sept mois !

Tout d’abord, je remercie tous ceux qui ont soutenu le projet, réagis, commentés, ceux qui m’ont aidé dans mes recherches (Cyrille, Stéphanie, Cécile, et les autres). A vous tous, merci, et je tiens également à vous rassurer, car ce n’est pas la fin du projet. Effectivement, après avoir trouvé cet incroyable lot de Maurice Jourtau, j’ai continué à chercher des négatifs, de différents photographes, différents lieux et différentes époques (j’ai même trouvé un lot de 238 négatifs d’une même famille sur plusieurs générations). Des lecteurs m’en ont même donné (merci Coraline, Stéphanie et Cécile). Le projet Lost Films va donc continuer à vivre chaque dimanche, avec des pellicules totalement random (certaines que j’ai même dû faire développer), seulement, Jourtau ne sera plus présent.

Je suis triste parce que je m’y suis attachée. Ça a été un sacré projet de recherches pendant plusieurs mois, et j’ai adoré y passer mon énergie. Sacrée personne tout de même, médecin, militaire, résistant, beauté fatale et icône aux bébés hiboux moyen-duc.

Cet article va me permettre de faire le point sur cette partie de projet qui se termine, avec le meilleur des portraits de notre présumé Maurice et une petite analyse sur ce lot de clichés.


Pellicule #16, Queyras, 1940

Au niveau du choix du sujet, mis à part quelques clichés pris à la faculté de médecine ou l’hôpital, (donc de l’aspect travail), la plupart des clichés concernent la Seconde Guerre Mondiale, ou les loisirs/vacances pour les périodes antérieure et postérieure à celle-ci. Maurice a pris énormément de portraits. Dans les années 30-40, il n’existait que l’argentique, c’était un loisir assez onéreux j’imagine, les gens prenaient peu de photographies (peu devaient même avoir accès à ce loisir à la maison) et une sélection importante devait être faite dans le choix des sujets. La photographie était là pour immortaliser un moment important (évènement familial par exemple), idyllique (les vacances) ou inhabituel (la guerre) ou les proches.

Les loisirs ont une place dominante dans ces clichés, et sont présentes uniquement des activités physiques (natation en piscine et mer, saut en hauteur, ski, luge, lancer de poids, rugby, cyclisme, basket) et des activités de plein air (tourisme, pêche, chasse, planeur). A noter que toutes les activités physiques listées étaient pratiquées en plein air sur les photos.


Pellicule #10, Montpellier, 1939

Les portraits montrent un certain culte du corps pour l’époque, en tout cas dans le milieu social auquel appartenait Maurice. Beaucoup de portraits sont associés à une pratique d’activité physique et mettent presque systématiquement en scène de corps très athlétiques, surtout le corps masculin. Il y a d’ailleurs beaucoup plus de portraits d’hommes que de femmes, ce qui peut être expliqué de mille façons (plus d’hommes dans sa famille ? plus d’amis masculins ? pas de femme dans les régiments militaires, etc.). On y voit également peu de personnes en surpoids.

Il y a une disparité entre les photos prises à la guerre et les autres, mais pas tant que ça puisque les photos de guerre datent de 1939 et début 1940, soit pendant la période de la Drôle de Guerre. A ce moment-là Maurice était soldat dans un régiment affecté dans les Hautes-Alpes, pour surveiller la frontière italienne, où il n’y a pas eu de combat avant juin 1940. Sur les clichés pris pendant sa mobilisation, les soldats rient, font les idiots, et il y a également énormément de paysages alpins. Ces clichés sont au final aussi léger que ceux pris avant ou après la guerre.

En parlant de paysages justement, en laissant de côté les clichés pris à la mer ou à la montagne, je trouve que la campagne est autant représentée que la ville. Pour la partie urbaine, il s’agit beaucoup des quartiers autour des hôpitaux de Toulouse, de stades et de grands édifices religieux (églises, cathédrales, etc.). La part tout de même assez importante de représentation du milieu rural, ainsi que les clichés de chasse, me font me demander s’il n’est pas issu de ce milieu (une plus grande proportion de gens vivaient en milieu rural à cette époque par rapport à aujourd’hui).


Pellicule #22, Toulouse, hôpital, ??

Quoi qu’il en soit, je pense qu’il était issu d’un milieu plutôt aisé, ou que ses études lui ont permis d’avoir un certain niveau de vie. Entre les loisirs divers, les nombreuses photos de vacances en mer ou à la montagne, le fait qu’il possédait un appareil photo Kodak Retina peu de temps après sa mise sur le marché, et le fait qu’il était assez productif finalement au niveau de la photo, je pense qu’il fallait un certain niveau de vie pour ça dans les années 30-40 (mais j’ai peut-être également une idée très biaisée de la réalité de l’époque ?).

Sinon, mises à part les informations que j’avais trouvées sur Maurice avant d’étudier les clichés, que je partage d’ailleurs dans le premier post, on a en gros suivi ses vacances et sa vie durant la Drôle de Guerre (je suis très frustrée de n’avoir pu déterminer son régiment). J’ai vu de nombreuse fois à quoi il ressemblait (petit, musclé, et châtain je pense ?), une alliance apparait à son doigt en 1940, il fumait la pipe, il était à l’aise en milieu alpin et apparement était bon photographe. Et le fait qu’il pose dans son uniforme militaire, pipe à la bouche, et bébés hiboux moyen-duc dans les mains, aura fait mon année 2015. Vraiment.


Pellicule #19, Marseille, post 1945

Au sujet de notre rapport actuel à la photographie, la première grosse différence qui me vient en tête, c’est l’absence totale d’autoportraits dans ce millier de clichés (à part une photo peut-être accidentelle de son pied). Et je trouve d’ailleurs que c’est bien dommage, j’aurai adoré trouvé un ou deux clichés d’autoportraits dans le miroir, l’appareil à la main (par exemple je trouve honnêtement que le travail de Vivian Meier aurait perdu en richesse sans ses sublimes autoportraits). Les deux autres grands absents sont la nourriture (aucun plat n’est pris en gros plan pour être le sujet spécifique de la photo) et les animaux domestiques (ils sont présents mais rares, en très faible proportion par rapport à ce que l’on peut voir aujourd’hui). Les sujets ont évolué aujourd’hui, et les photographies de Jourtau sont assez peu autocentrées par rapport à ce que l’on peut observer actuellement, sur Instagram par exemple. Bien-sûr il n’a pu prendre en photos que des moments qu’il a lui-même vécus, mais il ne fait pas d’autoportraits, et on ne peut pas suivre ses aventures au jour le jour et ses habitudes.


Pellicule #12, Gap, 1940

Maurice je t’adore, et j’espère que j’aurai réussi à faire revivre un peu de ton passé dans ce projet. Si jamais vous, descendants possiblement existants de Maurice Jourtau, tombez sur ce projet, s’il vous plait, contactez moi et surtout, ne m’attaquez pas en justice. J’espère que vous comprendrez que ce projet est un hommage à cet homme.


Pellicule #06, Port-la-Nouvelle, 1937

Rendez- vous dimanche prochain pour une nouvelle pellicule du projet Lost Films, qui sera donc d’un photographe différent, et cette fois, anonyme. Je peux seulement vous dire qu’elle date des années 60.

N’hésitez pas à vous abonner au Tumblr du projet, où je publie mes photographies préférées, avec des mises à jour hebdomadaires (enfin, j’essaie).


Pellicule #09, Port-la-Nouvelle, 1939

5 réponses sur “Projet Lost Films #26”

  1. Merci à toi pour ce ( magnifique) partage et surtout ce travail important ( qui prend du temps certes mais le résultat est top).
    Les photographies de M. Maurice on fait mon bonheur du dimanche.
    J’ai hâte de voir d’autres nouvelles péllicules avec , peut être , un autre mode de vie, autres années.

    merci encore pour tout ce travail

  2. Merci pour tout le travail que tu as fait ! C’est une très belle compilation que tu nous offre dans ce dernier article, et je n’en reviens pas que tu aie publié la première pellicule il y a déjà 7 mois !! Le temps passe vite !

    À la lecture de cet article, et de ton analyse sur le travail de M. Jourtau, Je me suis surprise à penser : que dirait-on de moi si on analysait mes photos 70 ans plus tard ? Celles qui sont sur mon disque dur, celles qui sont dans mes albums papier, ou celles que je publie sur les réseaux sociaux ne diraient probablement pas la même chose. Et si on suivait mon travail sur plusieurs années, qu’en déduirait-on de mon métier, de là ou je vis, des gens qui sont dans ma vie et de mes passions… ?

  3. teaTime > Merci à toi !

    annso > Merci :). Je comprends tout à fait ton raisonnement, je pense que ce serait au final tout aussi laborieux.

  4. bonjour,

    je veux simplement vous remercier car par hasard je suis tombé sur votre travail!
    Outre le fait que c’est un exercice intéressant, c’est surtout sur l’aspect émotionnel que je viens vous féliciter car je dois vous avouer que je suis originaire de Port-La-Nouvelle et que, comme un série télévisée, j’ai suivi de manière boulimique les aventures de ce monsieur tout en regardant l’arrière plan de ce village que je connais si bien! 🙂
    Vous m’avez ému plus dune fois avec cette saga! du coup, à chaque fois que je vais sur une brocante, des puces ou que je survole les annonces je regarde s’il y a des vieilles bobines à acheter et vous offrir 🙂
    Je pense aussi, vu que j’aime beaucoup la généalogie, a faire des recherches sur lui et ses descendants pour savoir ce qu’il sont devenu (je sais bien que vous en avez déjà fait) et surtout, il y a peut être encore une trace de son passage dans mon village voire des descendants.
    je vous remercie encore et vous souhaite une très bonne journée,
    Nicolas FALIU

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