Nous avons trouvé ce chat durant une ballade à vélo (la fameuse odyssée de 70 km à vélo pour récupérer le vieux renard). Encore une fois, il était en bord de chemin, probablement renversé par une voiture et était là depuis quelques jours vu son état. Après vérification qu’il n’avait ni collier ni tatouage (c’était également un mâle non stérilisé) on a décidé de l’embarquer. J’avoue que faire 30 km à vélo avec un chat monstrueux de 6-7 kilos dans sa pire période de décomposition (recouvert de larves et complètement gonflé par les gaz) n’a pas été la meilleure idée que j’ai pu avoir, mais ça valait le coup.
N’ayant pas du tout le temps de m’en occuper, je l’ai mis dans une boite en espérant que les mouches feraient le travail. Malheureusement, sept semaines plus tard, il baignait dans son jus, avec toujours le même aspect et toutes les larves étaient mortes. J’ai donc décidé de le dépecer et de retirer les organes ainsi qu’un maximum de tissus musculaires pour accélérer le processus et surtout atténuer son odeur. J’ai bien mis 3 ou 4 heures à le faire et c’était très intéressant, de voir notamment la connexion de certains muscles. J’ai par contre fait ça rapidement, et pas dans le détail malheureusement, parce qu’avec un cadavre non frais, je n’avais pas envie de m’attarder. J’ai quand même pris une ou deux photos. Je n’ai pas trouvé de puce électronique durant cette étape et je n’ai malheureusement pas pu récupérer son baculum, ni ses clavicules, minuscules chez cette espèce. Après cela j’ai attendu que le reste de tissus mous sèche un peu pour pouvoir délicatement les décoller de l’os au scalpel et ainsi mettre le tout à macérer. Il a fallu environ deux mois de macération en plein été pour nettoyer l’ensemble. Les os sont encore un peu gras à l’heure actuelle.
Vue du chat durant la découverte. Je ne vous montre pas de plan plus général, son aspect était assez dérangeant. Il avait en tout cas les poils un peu longs, blancs et crèmes.
Après le dépeçage. C’est une vue du flanc droit, avec le membre antérieur à gauche, le membre postérieur à droite, la queue complètement à droite et le dos en bas. Les flèches montrent une zone très foncée. Il s’agit de tissus qui après un fort traumatisme, se sont gorgés de sang, donc d’un hématome très important. Cela peut être causé dans le cadre d’une collision avec un véhicule. On ne le voit pas sur la photo, mais la nécropsie a également montré qu’il était plutôt gras.
Le tissu blanc avec un aspect en toile correspond aux membranes qui entourent et individualisent les muscles. Les tissus roses sont des muscles qui n’ont pas encore été trop détériorés. Après huit semaines à l’air libre, on a quand même un sacré bazar général, tout est verdâtre et humide, parce que les bactéries ont commencé leur travail. Cela n’a pas été agréable de faire une nécropsie sur un spécimen dans cet état.
Le c?oeur, que je ne m’attendais pas à trouver si gros pour un animal de cette taille.
Aspect de la carcasse après l’enlèvement d’un maximum de tissus mous.
Les os après une première macération.
Les autres os sur lesquels il reste un peu de tissus, en cours de nettoyage grâce aux dermestes (entre le dépeçage et la macération, certains restes ont nourris les larves de dermestes).
Vue de l’animal nettoyé, quelques mois plus tard. Les os nous montrent un individu pas tout jeune, ce qui est indiqué par un certain nombre de dents perdues durant le vivant de l’animal, les coxaux en partie soudés entre-eux, la texture de son crâne, les articulations tibio-fémorales atteintes d’exostose et la soudure entre tibia et fibula droits. La jonction entre les deux coxaux a été brisée, probablement durant le choc, puisque le chat a été tapé à l’arrière du corps. Et j’ai réussi à perdre une troisième phalange sur le membre postérieur gauche et sa griffe associée.
Détails des vertèbres lombaires, les plus costaudes.
Le membre antérieur droit. Le chat et les felidae en général (à l’exception du guépard) ont la particularité d’avoir la troisième phalange (celle qui porte la griffe) rétractable. La second phalange n’est donc pas symétrique, pour permettre à la troisième de venir se replier contre elle.
Les petits os sont des segments du hyoïde, quant aux deux plus gros, c’est le mystère de ce spécimen. Peut-être des éléments que l’on trouve dans la gorge qui se sont ossifiés avec l’âge ?
La queue, qui peut posséder jusqu’à 24 vertèbres chez cette espèce (ici il y en a 21).
Son crâne, avec une texture non lisse comme j’en ai l’habitude et une crête occipitale bien développée. Ses orbites se ferment presque par rapport à d’autres crânes que j’ai pu voir. J’en profite pour vous inviter à lire cette petite introduction que j’avais rédigé sur la morphologie des chats.
Ce chat a perdu ses deuxième et troisième prémolaires droites supérieures au cours de sa vie, ainsi que plusieurs incisives.
Le coxaux, en partie soudés entre eux, que j’ai trouvé brisés.
Ici on peut voir la soudure du tibia et de la fibula gauche au niveau de l’extrémité distale. Le même phénomène est visible sur les deux membres postérieurs du renard. J’ai l’impression que cela arrive régulièrement sur les carnivores d’un certain âge.
Un de ses genoux exostosés.
Et pour finir une comparaison avec d’autres crânes de chat. De gauche à droite on a un chaton d’environ deux mois, un adulte, un adulte siamois et celui qui nous intéresse. Son crâne est bien plus massif que celui des autres, avec des crêtes occipitale et sagittale plus marquées.
Même si le nettoyage a été laborieux, il s’agit encore d’un spécimen sur lequel j’ai été contente de travailler. J’ai depuis récupéré deux squelettes incomplets de chatons à différents stades de maturation, et je vous réserve ça pour un prochain post !